Chapitre I

On lisait dans tous les journaux du soir du mardi 28 février 186. le fait divers suivant :

« Un vol très considérable, commis au préjudice d’un honorable banquier de la capitale, M. André Fauvel, a mis ce matin en émoi tout le quartier de la rue de Provence. Des malfaiteurs d’une audace et d’une habileté extraordinaires ont réussi à pénétrer dans les bureaux, et là, forçant une caisse qu’on avait tout lieu de croire inattaquable, ils se sont emparés de la somme énorme de trois cent cinquante mille francs en billets de banque.

« La police, aussitôt prévenue, a déployé son zèle accoutumé, et ses investigations ont été couronnées de succès. Déjà, dit-on, un employé de la maison, le sieur P. B., est arrêté ; tout fait espérer que ses complices seront bientôt sous la main de la justice. »

Quatre jours durant, Paris entier ne s’occupa que de ce vol.

Puis, de graves événements survinrent : un acrobate se cassa la jambe au Cirque, une demoiselle débuta sur un petit théâtre, et le fait divers du 28 février fut oublié.

Mais les journaux, pour cette fois, avaient été – peut-être à dessein – mal ou du moins inexactement renseignés.

Une somme de trois cent cinquante mille francs avait été, il est vrai, soustraite chez M. André Fauvel, mais non de la façon indiquée. Un employé, en effet, avait été arrêté provisoirement, mais on n’avait recueilli contre lui aucune charge décisive. Ce vol, d’une importance insolite, restait sinon inexplicable, du moins inexpliqué.

Au surplus, voici les faits, tels qu’ils se trouvent relatés avec une exactitude méticuleuse aux procès-verbaux d’enquête.