Préface des Éditions de Londres

« Le Livre des merveilles » est un récit de voyage écrit (ou plutôt dicté) par Marco Polo en 1298 de sa prison de Gênes. L’ouvrage, qui relate les voyages et les observations de Marco Polo à la cour de l’Empereur Kubilaï Khan, sans conteste l’un des plus influents de l’histoire humaine, et l’un des plus importants du Moyen-Âge, pourrait être vu comme le point de départ de la Renaissance Italienne.

Le plus grand livre écrit sur la Chine

Le livre décrit avec simplicité, une certaine précision pour l’époque, et une emphase censée susciter, voire forcer, l’admiration, l’Empire de Kubilaï Khan, qui s’étend de Chine jusqu’à l’Asie centrale, qui domine la moitié orientale de l’Asie, le Vietnam, Taiwan, la Birmanie, qui commerce avec l’Inde, le Sri Lanka, l’Arabie et l’Afrique. On imagine mal de nos jours l’influence commerciale et militaire de la Chine à l’époque, avant la fermeture de la Chine au monde extérieur, à la fin des Ming et au début de la dynastie Ching au Dix Septième siècle, fermeture, qui comme toutes les fermetures, conduisit au déclin moral, économique, et ne fut renversée qu’à partir de l’ouverture et la seconde Dynastie communiste de Deng Xiao Peng.

A titre d’exemples, nous citerons les voyages de Cheng Ho, qui conduisirent au Quatorzième siècle les jonques chinoises jusqu’en Afrique et Madagascar, ou le commerce chinois sur la côte du Malabar (témoins les tuiles chinoises en porcelaine de la synagogue de Cochin au Kerala, ou les fameux filets de pêche Chinois installés dans la baie de Cochin et jusque dans les rivières de la région depuis le Treizième siècle) ou la description du port de Zeïtoun, maintenant Quang Zhou, « Le port de Zeïtoun est un des plus vastes du monde ; je me trompe, cest le plus vaste de tous les ports. J’y ai vu environ cent jonques de grande dimension ; quant aux petites, elles étaient innombrables. »

Le livre est constitué de quatre parties. La première partie décrit l’Asie d’Ouest en est, jusqu’à la Chine : Turquie, Arménie, Géorgie, Irak, Afghanistan, Cachemire…La deuxième partie décrit la Chine de Kubilaï Khan, son système de gouvernement, les mœurs et la morale tartares ou mongoles, les fabuleuses recettes fiscales estimées à vingt trois tonnes d’or pour l’impôt sur le sel). La troisième partie s’intéresse à l’Asie maritime, et la quatrième partie est faite de fragments historiques.

Les multiples controverses sur Marco Polo

Nous n’y étions pas, et les rumeurs colportées sur son compte disant qu’il n’est pas allé en Chine sont aussi vieilles que la Chine cinq fois millénaire elle-même. Franchement, sans nous substituer à de vrais historiens, après lecture du livre que nous vous proposons à télécharger d’urgence et gratuitement pour vous faire une raison à peu de frais, nous pensons qu’il est inimaginable qu’il n’y ait pas séjourné. Qu’il ait vu de ses yeux toutes les villes dont il nous parle nous semblerait assez étonnant aussi, et alors, croit-on vraiment que même à notre époque tous les livres de voyage s’appuient sur des expériences vécues ? Bien sûr que non. Ceci nous semble donc une controverse inutile. Quant aux multiples exagérations, tous les historiens et narrateurs de l’antiquité ou du Moyen-Âge exagéraient, ce n’est pas bien grave, nos chefs d’entreprise et politiques modernes n’exagèrent plus mais passent leur temps à mentir, et nos médias soi-disant bien informés passent leur temps à manipuler la réalité de façon à coller à l’histoire qu’ils veulent vendre, celle qui fera la meilleure audience afin de contenter le public afin qu’il vote bien, et les annonceurs afin qu’ils achètent bien des espaces publicitaires, leur offrant le droit à leur propagande commerciale juxtaposée à la propagande politique qui s’immisce parfois entre les écrans publicitaires. Donc, les soi-disant affabulations de Marco Polo semblent dérisoires à côté du scandale de la manipulation de masse.

Un monde bien différent

Le monde de l’époque de Marco Polo se remet lentement d’un des changements les plus brutaux de l’histoire humaine, les invasions mongoles. Entre 1206 et 1274, sous l’impulsion d’un des plus grands guerriers de tous les temps, Genghis Khan, les cavaliers Mongols étendent leur Empire de l’actuelle Mongolie jusque sur presque toute l’Asie, la Russie, et s’arrêtent aux portes de l’Europe. Puis à partir de la fin du Treizième siècle, leur Empire se divisa puis s’évanouit presque aussi rapidement qu’il s’était créé, tandis que l’Empire scindé en quatre parties (Horde d’Or, dynastie Yuan…) se fondit au milieu des Han, des Russes, des Turcs, ou des Indiens et des Iraniens. Peu d’initiatives militaires parvinrent à chambouler les Etats en place avec une telle célérité : Alexandre Le Grand, d’Occident en Orient, et Gengis Khan, d’Orient en Occident, restent les deux exemples les plus frappants.

Les Nestoriens et les monophysites

Comme souvent, c’est toute l’histoire européenne telle qu’elle nous est enseignée qui pourrait être réécrite. Pour cela, il faudrait répondre à cette question fondamentale : l’Ecole est-elle un lieu d’éveil et de stimulation de la curiosité, préalable au développement de l’ingéniosité et de la créativité, ou est-ce un outil de conditionnement des masses à la doctrine culturelle en place et de propagande visant à la perpétuation de l’ordre établi, travail ensuite repris par le monde du travail et les médias ? Si c’est l’éveil, il faudrait se débarrasser une fois pour toutes de toutes ces insanités comme le soi-disant affrontement en blocs culturels, puisque, comme nous le montre Marco Polo, les civilisations du haut Moyen-Âge n’avaient pas besoin de l’ingérence des Etats pour se parler, ou encore l’affrontement en blocs religieux distincts, quelle foutaise que tout ça…C’est une reconstruction de l’esprit.

Regardons plutôt : Cheng Ho, le plus grand navigateur de tous les temps, était un Chinois eunuque et musulman. Les Juifs étaient présents partout en Asie centrale et dans le monde arabe, les religions s’interpénétraient en Asie, et aussi, bien avant l’arrivée des Jésuites, on trouvait des Chrétiens orientaux en Asie ; Marco Polo passe son temps à en croiser dans les villes où il passe. Ce sont les Nestoriens et les Monophysites. Les uns s’opposent aux autres d’un point de vue théologique, mais ce sont les premiers que l’on rencontre jusqu’en Asie Orientale. Né au Cinquième siècle, le Nestorianisme s’oppose au concile d’Ephèse, et vu comme une hérésie, se tourne vers l’Orient dans sa mission pour diffuser son message. Les Nestoriens pénètrent en Chine et en Mongolie à partir du Septième siècle. Plusieurs princesses de la famille de Genghis Khan étaient de confession nestorienne. Il y aura un évêché nestorien dans la ville de Kashgar au Xinqiang jusqu’au Quatorzième siècle. Mais l’histoire du Nestorianisme en Asie, un de nos sujets favoris, est une autre histoire...

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