Préface des Éditions de Londres

« Le Tigre de Mompracem » est un roman d’aventures d’Emilio Salgari sorti dans sa forme définitive en 1900.

Genèse de l’ouvrage et situation dans l’œuvre de Salgari

« Le tigre de Mompracem » ou en italien « Le tigri de Mompracem » est le premier volet du cycle des « Pirates de la Malaisie », qui relatent les aventures du pirate malais Sandokan. Le livre parut en feuilleton entre 1883 et 1884 sous le titre de « Les tigres de la Malaisie », puis la version définitive fut publiée en 1900.

Bref résumé

Sandokan est un prince malais qui réside sur la côte nord de l’ile de Bornéo. Attaque par les anglais et les hollandais, il doit fuir et devient pirate. Entouré de quelques volontaires, « Les tigres », il choisit de faire de l’ile de Mompracem sa base armée pour lutter contre l’impérialisme blanc.

L’histoire commence au cours d’une nuit de tempête avec Sandokan qui attend son ami portugais Yanez. Une fois arrivé à destination, ce dernier lui parle d’une jeune femme blonde surnommée la perle de Labuan en raison de son incroyable beauté et de la blancheur de sa peau. Aussitôt, Sandokan en tombe amoureux et décide de prendre la mer pour aller la voir. C’est alors qu’il est attaqué avec ses amis pirates par un vaisseau anglais. En dépit de leur courage, leur bateau est coulé, mais Sandokan, blessé, parvient à leur échapper en se jetant dans la mer. Il réussit à nager jusqu’au rivage, où il perd connaissance. Il se réveille dans la maison de James Guillonk, un ennemi juré mais qui ne le reconnait pas, et qui est aussi le tuteur de Marianne Guillonk, la perle de Labuan. Pour faire illusion, Sandokan se fait passer pour un prince malais. Il ne lui faut pas longtemps pour déclarer son amour à Marianne. Mais lorsque l’amant éconduit de Marianne, le baronnet William Rosenthal, découvre la véritable identité de Sandokan, il en parle à Guillonk, et les anglais lui tendent une embuscade. Sandokan fuit aussitôt tout en jurant à Marianne qu’il reviendra la chercher.

En chemin, il retrouve Giro-Batol, un de ses fidèles pirates que l’on croyait mort. Ensemble ils parviennent à retourner à Mompracem. Puis ils repartent avec trois vaisseaux pour Labuan. Mais ils sont surpris par une tempête, si bien que deux navires sur trois sombrent. Toutefois, le vaisseau rescapé parvient à atteindre Labuan où ils parviennent, au terme de multiples aventures, à enlever Marianne. La contre-attaque de James Guillonk ne saura tarder : les anglais arrivent à Mompracem, et les pirates n’ont d’autre alternative que de fuir de nouveau. Sandokan est peu après capturé par une corvette anglaise. Il sera ensuite rescapé par les deux navires pirates que l’on croyait perdus et qui surgissent d’on ne sait où. Sandokan et Marianne sont enfin réunis. Mais les Anglais n’ont pas dit leur dernier mot.

Sandokan, la série télévisée

« Sandokan » est une série télévisée italo-franco-allemande en six épisodes réalisée par Sergio Sollima, et qui jouit d’un franc succès dans plusieurs pays européens dont la France à sa sortie en 1976. C’était probablement la série la plus suivie par une jeune génération (laquelle approche maintenant de la cinquantaine…) cette année-là. Ce qui est remarquable, c’est que le héros, Sandokan, était un pirate malais qui luttait contre des impérialistes blancs.  En prenant le parti des faibles contre les forts, des colonisés contre les colonisateurs, vers la fin du Dix-Neuvième siècle, Emilio Salgari montre par ce choix sa grande originalité.

Le Rajah blanc

Le grand ennemi de Sandokan est un personnage historique : il s’agit de James Brooke, le Rajah blanc. Inspiration de Conrad pour Lord Jim, c’est aussi celle d’Emilio Salgari, lequel prend parti contre lui, et pour l’opprime, le pirate malais Sandokan, à une époque où ce genre de position était bien rare.

James Brooke (1803-1868) est un des grands aventuriers du Dix-Neuvième siècle. Né de père anglais et de mère écossaise à Bandel (à côté de Calcutta) en Inde, il s’engage à seize ans dans l’armée du Bengale. Puis en 1824, il lève un corps de volontaires et combat pendant la guerre anglo-birmane. Blessé, il est rapatrié en Angleterre, mais il repart pour Madras en 1830, où il veut d’abord rejoindre une nouvelle fois l’armée, puis se lance dans le commerce en Extrême-Orient. Mais il ne fait pas fortune. A la mort de son père en 1835, il reçoit trente mille livres, avec lesquelles il s’achète un bateau puis part pour Bornéo en 1839. Là, il arrive à Kuching, ou le sultan de Brunei doit faire face à un soulèvement des Dayak, qu’il parvient à régler pacifiquement. Il exige sa récompense, et sous la pression, le sultan lui confère le titre de vice-roi (Raja) de Sarawak en 1841. En 1846, il offre l’ile de Labuan au gouvernement britannique.

Il entreprend de nombreuses reformes, lutte contre la piraterie, promulgue des lois etc. De retour en Angleterre en 1847, on lui confère le titre de gouverneur de Labuan et consul général britannique à Bornéo. En 1851, il est l’objet d’une enquête suite à des accusations de violences contre les locaux sous couvert d’actions contre la piraterie. Mais les preuves ne sont pas suffisantes, et l’accusation est levée. James Brooke gouvernera Sarawak jusqu’à sa mort en 1868.

James Brooke sera l’inspiration de Conrad pour Lord Jim, il apparaitra dans « Le tigre de Mompracem » de Salgari et dans « L’homme qui voulut être roi » de Rudyard Kipling.

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