Iran :

nom propre ; exemples : les hôtesses d’Air France refusent de mettre le voile à Téhéran.

L’Iran, le plus grand pays chiite au monde, fait la jonction entre le monde arabe et le monde asiatique. Comptant une population de soixante-dix sept millions d’habitants, l’Iran a une superficie de plus d’un million six cent mille kilomètres carrés. L’image de l’Iran a profondément évolué au cours des quarante dernières années.

Dans les années soixante-dix, l’Iran est un royaume gouverné d’une main de fer par le Shah, dictateur pro-occidental qui règne en s’appuyant sur sa redoutable police secrète, la Savak. En 1971, le Shah convie des hôtes du monde entier aux cérémonies de Persépolis pour célébrer les deux mille cinq cents de la monarchie iranienne. A l’époque, les Françaises se pâment devant la beauté de l’impératrice Farah, et ne comprennent pas ces femmes iraniennes qui « veulent » porter le voile intégral iranien (on ne parle pas de Hijab ni de Niqab, mais de Tchador). Mais en 1978, c’est la Révolution iranienne, et le début de la confrontation de l’Islam et de l’Occident. Puis c’est la crise des otages américains en 1979, suivie de la tentative de sauvetage avorté, les images des hélicoptères brûlés dans le désert, l’élection de Ronald Reagan, et quarante ans de tension entre l’Iran et les États-Unis, entre l’Iran et les occidentaux.

Jusqu’à l’arrivée d’Al Qaeda puis de l’État Islamique (voir ce mot), l’Iran sera l’ennemi numéro un des Américains. Pendant presque quarante ans, l’Iran va poser ses pions sur l’échiquier islamique et patiemment développer son projet géopolitique : 1) contenir les Sunnites, 2) encercler et éventuellement éliminer Israël, 3) débarrasser le Moyen-Orient des occidentaux afin de protéger l’indépendance nationale.

Patiemment, l’Iran va travailler à bâtir son « arc chiite » en tissant un réseau d’alliances : les Alaouites et les Chrétiens de Syrie, les Chiites du Liban, le Hezbollah, les milices chiites du Yémen, la majorité chiite du Bahreïn, et les chiites irakiens.

Pourtant, depuis quinze ans, le principal danger n’est pas l’Iran, mais le sunnisme wahhabite et ses agents terroristes. L’opportunité pour l’Occident devient claire : la normalisation des relations avec l’Iran, et une alliance contre les sunnites wahhabites ou affiliés, afin de lutter contre les gouvernements et les mouvements terroristes qui s’en inspirent.

Le problème est Israël, qui considère l’Iran comme un ennemi direct bien plus dangereux que les nébuleuses terroristes sunnites. L’État Hébreu n’a aucune confiance dans l’ancienne Perse (c’est le roi de Babylone, Nabuchodonosor, dont se réclamait le Shah, qui mit fin à l’indépendance d’Israël pendant deux mille cinq cents ans). Israël ne laissera jamais l’Iran disposer de l’arme nucléaire. Mais l’Iran ne renoncera jamais à se doter de l’arme nucléaire.

Plutôt que d’attendre un règlement entre Israël et l’Iran, qui n’arrivera probablement jamais, une normalisation des relations de l’Iran avec l’Occident, ouvrant la voix à un renversement des alliances au Moyen-Orient, serait-elle un préalable à une pacification des rapports avec Israël ?  Des choses plus étranges se sont déjà produites en Realpolitik. En 1972, l’accord entre Nixon et Kissinger et Mao et Chou En Lai a mis fin à la Guerre froide. L’équivalent peut être répété au Moyen-Orient. L’inaction n’a aucun sens. On ne peut pas attendre que tous ces Royaumes corrompus tombent les uns après les autres aux mains de l’Islamisme le plus virulent, avec le chaos que l’on connaît. L’alliance avec les États du Golfe est une plaisanterie. L’Arabie Saoudite, le Qatar et d’autres ont beau vendre du pétrole à l’Occident, investir dans leurs économies et acheter des armes pour réprimer les rebellions chiites, ils travaillent depuis des dizaines d’années à la propagation d’un Islam moyenâgeux, et arment les terroristes qui tuent des innocents dans les rues des capitales européennes. La situation d’alliances avec ces royaumes a atteint son degré maximal d’absurdité. Enfin, les alliés historiques de l’Occident disparaissent les uns après les autres : la Syrie a disparu, l’Irak aussi ; l’Égypte a bien du mal à tenir le pays ; la Turquie aide l’État Islamique en sous-main dans sa guerre contre l’indépendantisme kurde.

Reste l’Iran, l’ancienne Perse, le seul État chiite, le seul pays que l’on ne peut pas soupçonner de soutenir les wahhabites, obscurantistes et médiévaux. Bien sûr, il faudra un accord nucléaire durable, bien sûr, il faudra apaiser les rares États sunnites qui restent modérés, le Maghreb, l’Égypte, la Jordanie, bien sûr, il faudra calmer Israël et rassurer la Turquie, bien sûr, il faudra gérer la relation avec l’Arabie Saoudite, mais c’est la seule solution viable pour les décennies à venir.

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