Préface des Éditions de Londres

« Alcools » est un recueil de poèmes de Guillaume Apollinaire paru en 1913. Commencé en 1898, « Alcools » est le fruit de seize années de travail. Manquant d’homogénéité à la première lecture, « Alcools » impressionne par la diversité de ses thèmes, ses rythmes, ses sons et ses sentiments. Apollinaire y supprime parfois (souvent ?) la ponctuation, apparemment inspiré par La prose du Transsibérien de Blaise Cendrars, et en cela pourrait être considéré comme le précurseur de la poésie française moderne.

Mis en chanson à de multiples reprises, le recueil est l’un des plus célèbres de la poésie française.

Les poèmes célèbres

Il est très difficile de séparer les poèmes les plus célèbres du reste du recueil. Son « manque » d’homogénéité est trompeur. « Alcools », parce que sa composition s’étale sur seize années de la vie de l’auteur, recouvre de nombreux thèmes (l’amour, la prison…), de nombreuses formes, et des tons allant du joyeux au dramatique.

Toutefois, citons-en quelques uns :

« Le pont Mirabeau », aux accents mélancoliques, qui par sa simplicité, son rythme, pourrait évoquer Villon.

« La chanson du Mal-Aimé », dont le début londonien pourrait presque évoquer une chanson de Gainsbourg.

« Crépuscule » qui évoque un tableau de Watteau recomposé par un surréaliste, et donc naturellement Verlaine.

« Le vent nocturne », magnifique, et qui ne fait penser à personne si ce n’est à Apollinaire.

« L’émigrant de Landor Road », splendide avec son célèbre :

Mon bateau partira demain pour l’Amérique
Et je ne reviendrai jamais
Avec l’argent gagné dans les prairies lyriques
Guider mon ombre aveugle en ces rues que j’aimais

« Les fiançailles », qui place probablement Apollinaire entre Verlaine et René Char ?

A la clarté des bougies tombaient vaille que vaille
Des faux-cols sur des flots de jupes mal brossées
Des accouchées masquées fêtaient leurs relevailles
La ville semblait cette nuit un archipel

Ou ici avec « Clair de lune », avec ses phrases parfois un peu absconses, à la sonorité « charienne » ? :

Lune mellifluente aux lèvres des déments
Les vergers et les bourgs cette nuit sont gourmands
Les astres assez bien figurent les abeilles
De ce ciel lumineux qui dégoutte des treilles

©Les Editions de Londres