Préface des Éditions de Londres

« Le Capitan » est un roman d’aventures de Michel Zévaco écrit en 1907. On dit qu’il berça l’enfance de Sartre. Roman fleuve, très inspiré de Dumas, « Le Capitan » est le type du roman populaire de cape et d’épée, très en vogue pendant la seconde moitié du vingtième siècle, et dont les héros (Lagardère, Capestang, Sigognac…) acquirent une nouvelle notoriété dans les années cinquante et soixante grâce au cinéma.

Si vous avez manqué le début…

1616. Louis XIII n’a que quinze ans. Il est roi de France, mais le vrai pouvoir appartient à son premier Ministre, Concini. Soutenu par la mère de Louis XIII, Marie de Médicis, dont il est le favori et l’amant. Poussé par sa femme Léonora Galigai, Concini aspire à se débarrasser du jeune roi pour devenir roi à sa place. Il favorise l’instabilité dans les provinces, encourage des bandes armées, afin de faire pression sur la noblesse de Province qui lui est hostile.

Le chevalier François de Crémazingues de Capestang a des rêves de gloire et de grandeur. Alors qu’il galope sur son cheval, il réalise que le château de son ami le marquis de Teynac est attaqué par une bande de vauriens. Aussitôt, il se porte à son secours. Mais le marquis de Teynac est assassiné d’un coup de poignard par un certain Rinaldo auquel il laisse une balafre, grâce à laquelle il le reconnaitra et se vengera, jure-t-il. Il reçoit un coup de pistolet, et est sauvé par une jeune femme. Quand il se réveille, il est soigné par une jeune femme blonde, Béatrice de Beaufort. Une fois guéri, Capestang assiste à une réunion des nobles de la Province. Il se propose de porter leurs doléances au jeune Roi.

Il se rend à Paris et y rencontre son futur valet, Cogolin. Avec l’aide de cet homme plein de ressources, il va déjouer les plans de Concini, sauver le roi, retrouver celle qui le sauva au château de Teynac, venger le marquis en tuant l’infâme Rinaldo etc.

La lecture de Sartre

Entre 1905 et 1918, le journal Le Matin publie neuf feuilletons dont « Le Capitan » et la série des « Pardaillan ». Jean-Paul Sartre montre dans Les mots sa passion pour ces romans de cape et d’épée.

L’ère héroïque

« Chercher les périls et les aventures les plus hasardeuses. » (Précepte deux des Chevaliers de la Table-Ronde)

Dès le début du livre, on sait que l’on entre dans le monde rêvé des héros modernes, nous sommes dans l’ère héroïque.

L’influence de Dumas

« Le Capitan » a tous les attributs du roman de cape et d’épée : règne de Louis XIII, héros gascon haut en couleurs, fin bretteur, bravache avec du panache, valets comiques, méchant homme de main, noblesse appauvrie, roi manipulé par son premier Ministre, complots de toutes sortes, et surtout des chevauchées haletantes, et des combats d’escrime qui n’en finissent pas. Mais François de Capestang est sans aucun doute un personnage inspiré de Dumas. C’est sans aucun doute le petit frère de D’Artagnan.

Le roman de Concini

En fidèle de la tradition dumasienne, Zévaco ne fait pas que s’en inspirer pour ses personnages, il créé lui-même son propre contexte historique. Alors, si Les Trois mousquetaires mettent en scène Richelieu, Zévaco s’intéresse à Concini, moins populaire dans les romans et les films de cape et d’épée que les Richelieu et Mazarin.

Concino Concini, comte de Penna et maréchal d’Ancre, est un aventurier de petite noblesse toscane. Il doit son extraordinaire ascension à une femme, Marie de Médicis, régente dont il devient l’amant et le favori. Il apparait déjà sous le règne d’Henri IV, et il s’y fait déjà des inimitiés auprès des nobles mais aussi au Parlement, où il commet un jour l’erreur d’y entrer en portant son chapeau.

Une fois Marie de Médicis régente, il gouverne le pays. Il fera nommer Richelieu, Claude Mangot et Claude Barbin. En 1617, Louis XIII le fera assassiner par ses courtisans, seul moyen d’avoir enfin le pouvoir détenu par sa mère et Concini. Il sera enterré, puis déterré par le peuple furieux et pendu par les pieds en place de Grève.

L’identité française

C’est le Dix-Neuvième siècle qui invente l’identité française. Presque tous les héros d’aventures, imaginés par les écrivains de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle et ceux du début du vingt et unième siècle ont des caractères bien similaires : courageux, vantards, chevaleresques, bravaches, pleins de panache, menteurs, provocateurs, cabotins, gouailleurs, galants, bons bretteurs ou pugilistes, non dénués de certains talents littéraires, voyageurs, aimant la bonne vie mais désintéressés par l’argent ; ils sont gascons, périgourdins, normands…Ce sont D’Artagnan, Capestang, Sigognac, Lagardère, mais aussi Cyrano de Bergerac, Arsène Lupin, et même certains des personnages joués au cinéma par Jean-Paul Belmondo.

C’est l’identité française : le personnage sorti de l’ère héroïque, rebelle, plein de faconde et de panache.

Le film

Les années cinquante et soixante offrent par le biais du cinéma la dernière manifestation de l’ère héroïque en France, ainsi que la célébration d’une certaine identité française. C’est l’époque des films de cape et d’épée. « Le Capitan » d’André Hunebelle avec Jean Marais et Bourvil, sort en 1960.

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