Chapitre 1.
Il était une fois en des lieux très lointains

C’étaient des morts sans expérience. Lui était blanc et mince, vêtu d’un jean et d’un pull noir, avec de petites lunettes rondes qui lui donnaient cet air fiévreux. L’autre, un homme noir aux cheveux blancs et aux chemises colorées portées par-dessus la ceinture, promenait son regard sur son auditoire comme un baume apaisant.

Derrière eux, des ascenseurs silencieux glissaient du haut vers le bas, accrochant les lueurs filamenteuses qui jaillissaient des immenses fenêtres. L’Omniscient se pencha et contempla le spectacle des océans illimités. Sa silhouette se découpait dans la lumière irisée. Tous l’observaient sans un mot.

Tous les temps vivaient en Lui à tous les instants. Rien n’était oublié, tout était dans tout. De vivre avec ça, Il n’en pouvait plus. Il y avait des moments où sa colère envers le genre humain l’empêchait de respirer. À ces instants, il aurait voulu tous les tenir dans ses mains et les foudroyer. Mais si Lui perdait espoir, alors que deviendraient-ils ?

La liste était longue :

Les guerres.

Les attentats-suicides.

Les massacres dans les écoles d’enfants.

Les enfants qui se font exploser dans les mosquées et les églises.

Les fous de Dieu qui abattent les inconnus dans la rue en riant.

Le meurtre absurde, l’infamie, glorifiées, érigées en culte de la mort de soi et des autres.

Et les pandémies, les cataclysmes, les famines, les terres et les océans ravagés. L’homme n’avait encore rien vu.

Que restait-il de sa Création ? Depuis le commencement il avait été écrit qu’un jour tout ceci finirait mal. Mais parmi ses plus proches, la rumeur courait qu’il pourrait avancer la date.

Il hésitait. Tout recommencer. Le cataclysme salvateur.

Le Déluge.

La première fois, c’était il y a bien longtemps.

Mais de leur sort Il se préoccupait toujours.

Plutôt que de prendre une décision précipitée, il avait convié ces deux hommes, l’homme blanc et l’homme noir. Contre l’avis de ses proches conseillers, lesquels abhorraient toute forme de procrastination et voulaient qu’il agisse enfin.

Et Il leur avait dit ceci :

— Vous êtes des exemples de courage et d’intelligence. Tous les deux, à votre manière, vous avez compris l’humanité.

Ils le regardaient sans comprendre.

— J’ai besoin de vous…ajouta t-il.

— Mais….

— Revenez me voir avec une idéequelque chose pour changer ça…finit-Il d’un grand geste englobant qui signifiait Tout.

— Le Déluge, et qu’on en finisse…dit une femme à tête de harpie.

— Je veux que ces souffrances cessent, dit-il en l’ignorant. Mais revenez vite, je commence à perdre foi dans les humains.