Chapitre 5.
Petite histoire du Blues

Le Blues est né du Sud, de la culture noire et de l’esclavage. Le Blues est le fruit d’un traumatisme psychologique transgénérationnel, celui de l’homme noir asservi pendant des générations par l’homme blanc sur les plantations du Sud, de sa soif de liberté et de sa foi en une autre existence, cristallisée dans une musique d’évasion, d’errance, une musique qui suit le rythme de la vie. Son identité d’homme niée, l’homme noir se réfugie dans un imaginaire extrêmement riche dont la première manifestation musicale est le Blues.

Le Blues est né vers la fin du Dix Neuvième siècle. Il prend son essor dans les années dix, puis les années vingt. Au début, ce sont les femmes qui dominent les charts du Blues. La popularité du Blues, musique rurale, chez les familles noires urbaines et déracinées, conduira dans les années trente à l’explosion du nombre de phonographes. Les familles noires sont deux fois plus nombreuses à en posséder que les familles blanches à la même époque. Les soixante-dix huit tours sont produits par des maisons de disques tenues par des blancs, et sont achetés par les noirs urbains.

Si le Blues est rural, populaire, chanté, joué avec des instruments à cordes et l’harmonica, le Jazz est urbain, né des instruments à cuivres ramassés sur les champs de bataille de la guerre de Sécession, et combiné au piano, sera joué par des musiciens noirs à la formation classique. Dès ses débuts, le Jazz sera populaire parmi les blancs aisés.

Le Blues et le Jazz eurent des développements parallèles. Le Jazz parle à la tête, le Blues est un cri du ventre. Plus que le Jazz, le Blues est plein de connotations sexuelles, et c’est donc sans surprises que le Blues donnera naissance au rock’n’roll, en passant par le be-bop, et toutes les musiques des années cinquante. Puis le rock évoluera, mais sans jamais renier ses racines ancrées dans le Blues.

Le rock est fils du Blues.

Les plus célèbres Bluesmen sont Muddy Waters, Howlin’ Wolf, B.B. King.

Robert Johnson est le plus grand de tous.

Robert Johnson ne fit que deux séances d’enregistrements.

La première en Novembre 1936, dans la chambre 414 du Gunter Hotel de San Antonio. Pendant trois jours, Johnson jouera seul devant le mur. Ce qu’il joue n’a rien à voir avec ce que l’on a l’habitude d’entendre. C’est lancinant, complexe, polyphonique.

En 1937, il se rend à Dallas au Vitagraph Building et fait une nouvelle séance d’enregistrements. Au total, il lèguera vingt-neuf chansons avec une quarantaine de versions. Les chansons dans son deuxième enregistrement sont plus sombres et torturées. Ce qui ressort de la musique de Johnson, c’est une fausse gaieté. Ce n’est pas noir, ce n’est pas doux-amer, c’est une voix lancinante, masculine, aux accents féminins, une voix presque androgyne par moments, avec un dialogue entre ces accents mystérieux et une guitare qui joue comme un orchestre. 

Quand on l’écoute pour la première fois, ce dont on est sûr, c’est qu’on n’a jamais rien entendu de pareil.