Biographie de Pierre Abélard

Pierre Abélard est surtout connu par le châtiment qui lui fut infligé suite à sa relation amoureuse avec Héloïse. Mais il fut un personnage éminent et complexe du XIIème siècle, ecclésiastique, philosophe, théologien. Il fut fondateur d’un monastère, directeur de congrégations et chef d’école. Il fut condamné par deux conciles et eut pour ennemi saint Bernard et saint Norbert. Il fut défenseur de la vertu et du respect de la règle dans les monastères qu’il dirigea.

Courte biographie

Pierre Abélard est né en 1079 près de Nantes dans une famille noble. Son père, Béranger, est un homme d’armes commandant la garnison du Palet à côté de Nantes. Sa mère Lucie détient la fortune de la famille. Il est l’aîné de trois frères et d’une sœur.

À cette époque où se développe avec l’amour courtois un renouveau des lettres, ses parents lui donneront une bonne éducation en latin, grammaire et musique.

De 1093 à 1100, il ira étudier dans diverses écoles, à Chartres, puis à Compiègne, à Loches, à Angers et à Tours et enfin à Paris en 1100 pour y suivre l’enseignement de Guillaume de Champeaux.

En 1101 il obtient le poste de responsable de l’école de la collégiale de Melun où il enseigne la dialectique et en 1104, il obtient le même poste à Corbeil où il reste jusqu’en 1107 puis se repose une année chez ses parents au Palet.

En 1108, il remplace Guillaume de Champeaux, qui s’est retiré à l’abbaye de Saint-Victor, comme responsable à l’école du Cloître de Paris. Mais suite à un conflit avec Guillaume de Champeaux, il va créer, en 1109, une nouvelle école à l’abbaye Sainte-Geneviève où il reçoit les laïcs. Son enseignement de philosophie scolastique obtient un vif succès qui fait sa renommée.

En 1112, il quitte Sainte-Geneviève pour voyager puis revient en 1113, à nouveau responsable de l’école du Cloître Notre Dame.

C’est alors qu’il aura sa liaison avec Héloïse, nièce de Fulbert, chanoine de Notre Dame. Il lui fera un enfant et sera contraint de réparer en se mariant secrètement avec Héloïse. Le mariage est révélé par Fulbert ce qui empêche Abélard de continuer ses activités de clerc, les clercs n’étant pas autorisés à se marier.

Les relations s’enveniment avec Fulbert et celui-ci fait en 1117 émasculer Abélard par des hommes de main, punition alors infligée aux violeurs et aux adultères. Abélard se retire comme moine à l’abbaye de Saint-Denis alors qu’Héloïse prend le voile à Argenteuil.

De 1118 à 1121, il enseigne avec succès la théologie d’abord à Saint-Denis puis à Maisoncelles. Mais ses ennemis parviennent à le faire condamner pour son enseignement au concile de Soissons en 1121. Il est assigné à résidence au cloître Saint-Médard à Soissons d’où il est rapidement libéré par le légat du pape à la demande de ses amis et il retourne à Saint-Denis.

En 1122, il fonde en plein champ, à côté de Nogent en Champagne un oratoire, le futur Paraclet où une foule d’étudiants le rejoignent en s’installant dans des cabanes.

De 1125 à 1135, il se retrouve au fin fond du Morbihan comme abbé de Saint-Gildas du Rhuys. Il est en conflit avec les moines qui ne respectent pas la règle et qui tentent de l’assassiner. C’est durant cette période que sont écrites les lettres d’Abélard et Héloïse et qu’Héloïse fonde l’abbaye de femmes du Paraclet.

En 1136, il revient à l’école Sainte-Geneviève où son succès est encore plus grand.

En 1140, sous la pression de Bernard de Clairvaux, futur saint Bernard, qui est son ennemi, il est à nouveau condamné par l’Église au concile de Sens.

Abélard se rend à Rome pour faire appel de sa condamnation, mais s’arrête malade à Saint-Marcel près de Chalon où il restera, atteint de sénilité, jusqu’à sa mort le 21 avril 1142.

Son corps sera transféré au Paraclet où Héloïse lui fait construire un tombeau dans lequel elle sera elle aussi inhumée.

La pensée et l’œuvre d’Abélard

Abélard en tant que professeur de dialectique scolastique participe contre Champeaux à la querelle des universaux en défendant le nominalisme de Platon contre le réalisme d’Aristote. Il affirme que les universaux (par exemple le genre humain par rapport à un individu) n’ont pas d’existence réelle, mais sont des noms conventionnels qui permettent de fixer la pensée.

Il fut l’auteur d’un traité de morale intitulé Connais-toi toi-même où il défend la théorie de l’intention. Ce n’est pas l’acte en soi qui est condamnable, mais l’intention, la disposition d’esprit dans laquelle cela se fait.

Il s’intéresse à l’exégèse théologique dans son traité Oui et non, où il défend l’approche de la foi par la raison. Il faut rechercher la vérité au-delà des textes religieux et suivre son opinion personnelle au-delà des dogmes.

Dans son traité Théologie du souverain bien, il réfléchit sur le dogme de la Sainte Trinité et affirme que Dieu est unique, se divisant en trois « substances », le père qui est la puissance, le fils qui est la sagesse et le Saint-Esprit qui est la bonté. C’est ce traité qui entraînera sa condamnation à la demande de Bernard de Clairvaux et qu’il devra brûler.