Préface des Éditions de Londres

« Arsène Lupin contre Herlock Sholmès » est un recueil de deux histoires de Maurice Leblanc paru en 1908, donc un an après Arsène Lupin, gentleman cambrioleur, dont la dernière nouvelle, « Herlock Sholmès arrive trop tard » introduit le personnage, sorte de Sherlock Holmès un peu moins doué qui représente l’esprit britannique, calculateur, froid, un peu coincé face au caractère français, exubérant, chevaleresque, généreux, expansif, tel qu’exemplifié par Arsène Lupin.

Résumé des deux épisodes

Dans le premier épisode, la dame blonde, Arsène Lupin dérobe un secrétaire contenant un billet de loterie gagnant d’une valeur d’un million de francs. Lupin propose de partager le montant en deux, mais le propriétaire du secrétaire et gagnant de la loterie, Monsieur Gerbois, refuse. Lupin enlève sa fille Suzanne, et le père cède. Plus tard le baron d’Hautrec est découvert assassiné. Pourtant, un diamant bleu, sujet probable de la convoitise de Lupin, n’a pas disparu. Ce diamant est ensuite volé, mais remplacé par une copie par Lupin, de façon à dérouter le flair de Ganimard. Perdue, la police française fait appel à Sholmès, qui au terme de plusieurs étapes, finit par emporter une semi victoire sur Lupin. La première manche s’achève et les deux adversaires se font de nouveau face à face dans le deuxième épisode, La lampe juive. Une lampe juive qui contient un bijou précieux est dérobée au baron d’Imblevalle. Sholmès est de nouveau de la partie, mais l’affaire est un peu différente de La dame blonde, puisque Sholmès, en perturbant les plans de Lupin, contribue à l’objectif opposé de celui qu’il s’était proposé, puisque Lupin voulait en réalité aider la famille du Baron.

Arsène Lupin et Herlock Sholmès

Pour ce deuxième recueil, Leblanc choisit de faire revenir le personnage créé dans la dernière nouvelle du recueil "fondateur", Arsène Lupin, Gentleman cambrioleur. A cela, plusieurs raisons, pensons-nous. D’abord, à l’époque le personnage de Conan Doyle est extrêmement connu. Ses aventures sont publiées en France depuis 1902 et elles y connaissent un énorme succès. C’est donc pour l’auteur une façon de se « positionner » face au célèbre détective anglais. D’ailleurs la première intention était de faire apparaître Sherlock Holmes, mentionné sous son nom dans l’une des nouvelles du premier recueil, mais ceci ne plut pas du tout à Conan Doyle, et Leblanc dut y renoncer ; ainsi, il créa ce nouveau personnage, lequel d’ailleurs, à la différence de Sherlock Holmes, travaille pour Scotland Yard. De plus, il est fort possible que Maurice Lebanc ait considéré que le personnage falot de Ganimard ne faisait pas le poids face à Arsène Lupin, et qu’il lui fallait donc un adversaire de taille. Quoi de mieux que de choisir comme adversaire pour Lupin son principal concurrent littéraire, et de plus un ressortissant de la détestée Albion, à une époque encore très marquée par l’anglophobie ? (si l’entente cordiale vient tout juste d’être signée, les souvenirs de Fachoda ne sont pas bien loin). C’est aussi l’opportunité pour Leblanc de raffiner et d’affiner son personnage en le contrastant avec un ennemi de bon goût, un adversaire de haute volée. Enfin, Herlock Sholmès restera le seul adversaire "institutionnel" qui gagne parfois face à Lupin. Et puis, la présence du benêt Wilson permet d’apporter une touche d’humour et de légèreté qui contraste avec l’humour un peu arrogant, aux relents un peu populaires, de Lupin. Au bilan, une magnifique idée, bien réussie, qui finit de définir le territoire lupinesque. Dans ses prochains livres, Leblanc pourra se consacrer à des intrigues plus ambitieuses et plus étoffées, des décors plus sombres, et des histoires parfois plus noires.

© 2012- Les Editions de Londres