II

Hôtel des ventes Drouot, début du mois de septembre 1877.

Une jeune femme blonde de vingt-sept ans à la robe noire dont les manchettes s’ornaient de boutons de même teinte, participait à une vente aux enchères. D’une beauté altière et remarquable, elle se nommait Charlotte Dubourg. Mais, plutôt que d’insister dans la persistance du point de vue extérieur, du narrateur distancié, optons pour la cession de parole en faveur de ce personnage, dans la grande tradition « orsonwellesienne » de la voix off, illustrée dans maints films par Deanna Shirley De Beaver de Beauregard, entre autres exemples Rebecca , Jane Eyre, Letter from an unknown woman, cet accent so british, so class, so delightful, so aristocratic, à jamais inoubliable, qui appartenait à une des femmes les plus extraordinairement belles et gracieuses de tous les temps ! Ainsi lisait-elle l’incipit de Jane Eyre revu et corrigé par Aldous Huxley et d’autres scénaristes :

« (...) I was born in 1820, a harsh time of change in England. Money and position seemed all that mattered. Charity was a cold and disagreeable word. Religion too often wore a mask of bigotry and cruelty. There was no proper place for the poor or the unfortunate (...) »

On peut imaginer la comédienne détournant facétieusement le texte et poursuivre :

« So, it was a harsh time for lumpenproletariat, a harsh time for workers, for poverty, for beggars, for homeless, for Cinderella men, for wangdeputenawa men, for chinese coolie, for egyptian fellah, for spanish peón, for italian operaio, for french brassier and manouvrier, for italian sciopero generale, for Debs'dream by Jack London, a harsh time for german Streik, for spanish trabajo, for russian moujik, a harsh time for italian popolo minuto, a harsh time for prolo bambou, prolo café and prolo banane (in french in the text), a harsh time for all slaves of the world's misery, overwhelmed by the burden created by the Holy Bible, the Mein Kampf, the Little Red Book of ultraliberalism : « Slavery Trek », by Taddeus Von Kalmann.... ».

Et la belle blondine améliorée de rajouter naïvement : « L’ai-je bien lu, monsieur le réalisateur ? », comme un Picasso déclarant à propos de la colombe de la paix qu’il venait de dessiner : « L’ai-je bien fougeronnée ? »