Préface des Éditions de Londres

« Autour de la lune » est un roman de Jules Verne publié en 1870, cinq ans après De la terre à la lune, dont il constitue la suite. Suite au lancement réussi de l’obus (propulsé par le canon Columbiad), « Autour de la lune » raconte le périple des trois voyageurs, leurs angoisses, leurs spéculations, leurs découvertes. C’est aussi le huitième volume des « Voyages extraordinaires ».

Un roman pour enfants ?

Ce n’est pas un roman simple que nous fait là Jules Verne. En deux cents cinquante pages, il nous raconte le huis clos de trois hommes qui tournent dans un obus autour de la lune. Pardon, trois hommes et deux chiens, puisque nous découvrons assez rapidement la présence de Diane et de Satellite dans l’obus, un peu comme les Dupont dans On a marché sur la lune. L’enthousiasme scientifique qui animait Jules Verne le pousse à parsemer le roman de considérations mathématiques, cinématiques, astronomiques, de géographie sélène, lesquelles très honnêtement doivent passer des lieues au-dessus du lecteur de l’époque et au dessus de ceux d’aujourd’hui, à l’instar de Michel Ardan, qui nous campe le bon français terre à terre, amateur de vins et de bonne chère, et dont le rôle consiste à accompagner parfois le lecteur dans son ennui. Toutefois, on pardonne quand même à Jules Verne ; si ce n’est pas le roman le plus palpitant qu’il ait écrit, c’est l’un des plus intéressants puisque il y remplit comme toujours à la perfection son rôle de visionnaire : nous promener de façon aussi réaliste autour de notre satellite, à une époque où l’exploration lunaire n’était pas vraiment d’actualité…C’est une coïncidence, mais la date de la parution en feuilleton précède à quelques semaines près de cent ans la mission qui emmena Armstrong, Aldrin et Collins sur la lune.

Des coïncidences troublantes

Mais les circonstances troublantes ne s’arrêtent pas là. Comme nous l’avions déjà indiqué dans De la terre à la lune, il y en d’autres.

C’est une mission américaine. Cent ans avant la mission finale. Le lancement se fait bien de Floride. Il y a trois hommes embarqués. Dont deux américains (d’accord, pas trois) : ce sont Barbicane, Nicholl, et Michel Ardan le français. Même les noms offrent une vague similitude... La mission ne dure que quelques jours. L’obus ou la capsule retombe bien dans l’Océan. Si l’on ajoute que quelques années auparavant, la chienne Laïka devient célèbre mais meurt dans l’espace, comme Satellite, cela reste surprenant. Enfin, suite au voyage, la Société Nationale des Communications Interstellaires est créée ; or, on se rappelle que ce fut l’électrochoc du Spoutnik qui conduisit à la fondation de la Nasa en 1958 et au démarrage du programme Mercury.

Où sont passés les sélènes ?

Des sélènes, Jules Verne décida qu’au cours de ces révolutions lunaires, on n’en trouverait pas. Verne était très informé ; au courant de l’historique de l’observation lunaire, il décida que, dans de telles conditions (paysage « lunaire » : c’est-à-dire, une désolation géologique, et probablement une absence de faune et de flore) la vie n’existait probablement pas. Par moments, avec ses dialogues interminables et son style parfois un peu désuet, il y a quelque chose d’Asimov dans Jules Verne ; probablement ce même enthousiasme vis-à-vis du futur de l’espèce humaine, cette envie de savoir, cette envie de deviner l’ « Après Soi », et cette imagination, capable d’inventer des mondes, structurés, presque réels, faisant fi des contraintes de l’espace et du temps. Toutefois, pendant cent ans, avant Apollo 11, on ne saura pas, et il faudra attendre les premiers pas de l’homme sur la lune pour que l’on se demande : « Mais où sont passés les Sélènes ? »

Jules Verne et le paradoxe de Fermi

C’est là que Les Editions de Londres vont, comme à leur détestable habitude, avancer une hypothèse nullement étayée par les faits : et si Verne avait eu une nouvelle prémonition ? Et si au chapitre Cinq, où l’on voit nos trois « sélénautes » spéculer sur la vie sur la Lune, nous avions un des premiers prémisses du fameux Paradoxe de Fermi ?

Le paradoxe de Fermi se résume ainsi : « S’il y avait des civilisations extraterrestres, leurs représentants devraient déjà être chez nous. Où sont-ils donc ? ». En effet, au cours de cette discussion du chapitre V, les sélénautes imaginent une lune qui aurait dans le passé produit sa vie, ses civilisations, ses Michel-Ange, Platon, Homère, Kant…Ils supposent que cette civilisation lunaire aurait déjà essayé de communiquer avec la terre, et retiennent qu’en raison de la faible attraction lunaire, il leur aurait été six fois plus facile d’envoyer un projectile vers la terre, mais qu’ils l’auraient fait il y a des milliers d’années, avant l’apparition de l’homme sur la terre. Ils supposent aussi que leur projectile pourrait être encore enfoui quelque part dans le Pacifique.

Mais l’un des points les plus intéressants du paradoxe, c’est évidemment l’annonce du président Clinton en 1996, qui déclare que des traces de bactéries ont été observées sur une météorite en provenance de Mars, ce qui fonderait l’hypothèse que nous sommes en réalité tous des Martiens, rejoignant ainsi la supposition vernienne de Sélènes qui auraient atterri sur Terre avant l’apparition de l’homme ?

© 2012- Les Editions de Londres