Préface des Éditions de Londres

L’Énéide raconte, sous forme d’épopée, le voyage du Troyen Énée qui quitte la Troade à la fin de la Guerre de Troie pour venir construire une nouvelle civilisation dans le Latium.

Le but de Virgile dans l’Énéide, est de montrer que la puissance de la Rome à son époque s’appuie sur un passé ancien. Il veut démontrer que Rome a été bâtie par des descendants d’Énée.

L’Énéide a été écrite entre 29 et 19 avant JC. C’est une épopée de 10.000 vers répartis en douze chants.

L’Énéide a connu immédiatement un grand succès chez les Latins. Comme pour l’Iliade et l’Odyssée d’Homère, ce succès s’est maintenu jusqu’à nos jours et a été la source d’inspiration de nombreux auteurs.

Le récit de l’Énéide

L’Énéide raconte l’histoire d’Énée, parti de Troie après sa destruction (que l’on situe vers 1200 av. JC).

Énée est chargé par « son destin » de conduire les survivants de Troie pour fonder une nouvelle civilisation dans le Latium, mais il se heurte à la rancune de Junon qui essaye toujours de le faire échouer.

L’Énéide se compose de deux grandes parties :

– le voyage d’Énée depuis Troie jusqu’au Latium qui dura sept ans ; cette partie peut être rapprochée de l’Odyssée d’Homère.

– les guerres dans le Latium entre les deux héros, Turnus et Énée, partie qui peut être rapprochée de l’Iliade d’Homère.

Le voyage d’Énée

Le voyage depuis Troie jusqu’à Carthage est raconté par Énée à Didon dans le chant III. La fin du voyage depuis Carthage jusqu’au Latium l’est dans les chants V et VI.

Énée part de Troie avec son père Anchise, son fils Ascagne et de nombreux Troyens ou alliés.

Ils quittent la Troade avec vingt navires par le port d’Antandros pour aller jusqu’en Thrace. Là, Énée trouve la tombe de Polydor, fils de Priam, qui a été tué par le roi de Thrace. Il décide aussitôt de repartir de ces lieux inhospitaliers.

Ils vont ensuite jusqu’à Délos où le roi Anius les reçoit et où ils interrogent Apollon pour savoir où ils doivent aller s’installer. Anchise croit comprendre que c’est en Crète.

Ils commencent à s’installer en Crète, mais durant l’été, une épidémie (ou la sécheresse) détruit tout. Énée est informé par ses dieux que ce n’était pas en Crète, mais en Italie qu’ils devaient aller.

Ils repartent et font escale dans l’île des Strophades où habitent les Harpyes qui leur volent leur nourriture. La Harpye lui précise que c’est dans le Latium que son destin l’appelle.

Le voyage continue jusqu’à Buthrote ou Énée retrouve Hélénus et Andromaque qui les reçoivent. Hélénus, devin, confirme à Énée qu’il arrivera bien dans le Latium après une longue errance sur les mers.

Le voyage se continue jusqu’en Sicile où se trouvent les Cyclopes et où Énée retrouve un compagnon qu’Ulysse avait oublié sur l’île. Pourchassés par les Cyclopes, ils quittent les abords de l’Etna et vont à Drépane où Anchise meurt.

En repartant de Sicile, ils sont soumis à une effroyable tempête provoquée par Junon et ils se retrouvent à Carthage où Énée rencontre Didon et passe un an avec elle.

Poussé par les Dieux, Énée repart de Carthage, et Didon, désespérée, se tue.

Ils font escale en Sicile où se déroulent les jeux funéraires en l’honneur d’Anchise dont il a retrouvé le tombeau gardé par le roi Aceste.

En repartant, ils font escale à Cumes où Énée rencontre la Sibylle qui l’accompagne dans une visite des Enfers pour rencontrer son père.

Il peut enfin reprendre le voyage et arrive dans le Latium où il s’installe à l’embouchure du Tibre.

Les guerres dans le Latium

Peu de temps après son arrivée, Énée va rencontrer le roi Latinus dans Laurente. En fonction des présages qu’il a reçus, Latinus est persuadé qu’Énée est le roi qu’il attend pour épouser sa fille Lavinie et le remplacer comme roi de Laurente.

Mais Junon, toujours en colère contre les Troyens, ne veut pas les laisser s’installer et pousse la mère de Lavinie, Amate, à empêcher cette union. Puis elle pousse Turnus, le roi d’Ardée, voisin de Laurente, à qui Lavinie avait été promise, à chasser les Troyens. Enfin, Junon pousse les paysans du Latium à se battre contre les Troyens.

Devant l’imminence de la guerre, Énée va chercher des renforts auprès d’Évandre, ennemi des Latins, qui lui procurera de l’aide et qui l’envoie vers des Toscans dont le chef est Tarchon, déjà tout prêt à se battre contre Mézence, allié de Turnus.

Turnus, prévenu par Junon qu’Énée s’est absenté de son camp, en profite pour attaquer le camp et parvient à y pénétrer, y fait des ravages, mais doit le quitter, épuisé.

Énée revient avec ses renforts et parvient à repousser les hommes de Turnus. Junon, pour le protéger, retire Turnus de la bataille.

Mézence essaye de remplacer Turnus pour repousser les Troyens, mais il est tué et les Troyens sont victorieux de cette première guerre. Une trêve est convenue entre les deux camps.

À la fin de la trêve, Énée et ses alliés marchent vers Laurente avec deux troupes, l’une attaquant par la plaine et l’autre passant par les montagnes. Turnus décide de dresser une embuscade pour la troupe passant par les montagnes, et il envoie l’amazone Camille, qui l’a rejoint, attaquer la troupe.

Dans la plaine, Camille est tuée, et les Troyens victorieux attaquent les murs de Laurente.

Turnus revient protéger Laurente et la troupe d’Énée arrive également devant les murs de Laurente.

Turnus propose alors au roi Latinus d’accepter le combat singulier qu’Énée avait proposé contre lui. Le combat est organisé, les serments sont faits, jurant que ce combat mettra fin à la guerre.

Mais Junon envoie la nymphe Juturne, sœur de Turnus, pour pousser les Latins à rompre les serments et relancer la guerre. Les combats reprennent, Énée est blessé, mais Vénus l’aide à reprendre ses forces.

Énée n’arrive pas à joindre Turnus pour se battre contre lui, alors il décide d’attaquer Laurente, ce qui pousse Turnus à venir se battre pour protéger la ville.

Enfin, le combat final entre Énée et Turnus a lieu. Junon essaye encore d’aider Turnus, mais Jupiter décide qu’il est temps d’en finir et Énée tue Turnus.

La fin de l’Énéide :

L’Énéide se termine brutalement avec la mort de Turnus. La question se pose de savoir si c’était la fin que souhaitait Virgile. Il avait travaillé à l’Énéide jusqu’à sa mort brutale et l’Énéide fut publiée après sa mort et l’on peut penser qu’elle était inachevée.

On pourrait imaginer qu’il aurait raconté la construction de Lavinium puis d’Albe et la vie heureuse dans le Latium.

On peut au contraire penser que Virgile s’est volontairement arrêté là, à la fin des aventures d’Énée dans le Latium. Ce qui se passera ensuite a été évoqué dans les chants précédents. L’Iliade qui lui servit sûrement de modèle s’arrête également brutalement sur les funérailles d’Hector.

Période couverte par l’Énéide :

L’Énéide recouvre une période très courte : depuis le moment où Énée fait naufrage près de Carthage jusqu’à sa victoire près de Rome et surtout les batailles qu’il a à livrer pour s’établir dans le Latium.

Mais Virgile fait des retours en arrière sur la guerre de Troie et surtout des projections dans le futur pour célébrer les héros de l’histoire de Rome.

La cohérence historique n’est pas respectée par Virgile. Par exemple, Didon fonda Carthage au début du VIIIème siècle av. JC et Cumes où il rencontre la Sibylle fut aussi fondée au VIIIème siècle av. JC.

L’Énéide et Homère

La culture homérique était très importante à l’époque de Virgile. L’Iliade et l’Odyssée avaient la même importance pour les Romains que la Bible pour les Chrétiens.

L’Énéide peut être considérée comme une suite de l’Iliade puisqu’Énée part de Troie à la fin de la guerre et l’on retrouve de nombreux passages de l’Énéide qui font référence à la guerre de Troie.

Comme l’Iliade décrit le combat entre deux héros, Achille et Hector, on trouve dans l’Énéide le combat entre Énée et Turnus. On retrouve dans l’Énéide comme dans l’Iliade et l’Odyssée le rôle important des dieux utilisant les hommes pour arriver à leurs fins.

Le voyage d’Énée rappelle celui d’Ulysse dans l’Odyssée, avec tous les écueils rencontrés, organisés par les dieux. Le long séjour d’Énée chez Didon rappele celui d’Ulysse chez Calypso.

Le contexte historique

À l’époque où Virgile écrit l’Énéide, Octave devenu Auguste en 27 av. JC est le premier empereur de Rome. Il s’est débarrassé de ses concurrents, Brutus, Cassius, Marc Antoine et Pompée. L’Empire romain est à son apogée, englobant tout le bassin méditerranéen, et est relativement en paix.

Auguste réorganise l’administration, embellit Rome, remplaçant la brique par le marbre.

C’est un âge d’or pour la culture avec de grands écrivains, Virgile, Tite Live, Horace, Ovide, protégés et enrichis par Mécène, conseiller d’Auguste. Virgile fréquente et admire Auguste.

Les Romains sont très attachés à leur passé et les grandes familles aimaient à faire remonter très loin leur ascendance. Jules César se plaisait à affirmer qu’il était descendant d’Iule, le fils d’Énée. On veut alors donner la prééminence à l’histoire, la culture et les traditions romaines par opposition à la culture grecque.

Dans ce contexte, Virgile fait de l’Énéide, l’épopée de la naissance de Rome appelée à dominer le monde afin de donner une assise historique à cette domination.

Les personnages principaux

Comme Homère, Virgile cite de nombreux noms, en particulier durant les combats. La plupart de ces noms sont inventés et inconnus autrement que par les écrits de Virgile et des auteurs qui se sont inspirés de l’Énéide.

Les principaux personnages de l’Énéide sont :

Énée est le personnage central qui donne son nom à l’épopée. On le trouve souvent nommé le Troyen ou le héros. Il est le fils d’Anchise et de la déesse Vénus qui le protège continuellement comme Thétis protégeait Achille dans l’Ilade.

Turnus est le héros opposé à Énée. Il est roi d’Ardée et souvent appelé l’Ardéen. Il est Rutule et quelques fois appelé le Rutule. Il est le fils de Daunus et Venilia, déesse des eaux.

Anchise est le père d’Énée, qu’il a emporté sur son dos jusqu’aux pentes de l’Ida. Il accompagne Énée, mais meurt en chemin et est enterré en Sicile.

Ascagne ou Iule est le fils d’Énée. Il fondera Albe, et Romulus, qui fondera Rome, est son descendant.

Didon est la fondatrice et la première reine de Carthage. Elle a quitté Tyr quand son frère Pygmalion, le roi de Tyr, a tué son mari, Sychée, pour prendre sa fortune.

Latinus est le roi de Laurente près d’où débarque Énée.

Amate est la femme de Latinus. Elle est hostile à Énée et favorable à Turnus.

Lavinie est la fille de Latinus et Amate. Latinus, en fonction des présages, veut la marier à Énée alors que Turnus veut l’épouser avec l’accord d’Amate.

Évandre, Grec exilé, est le roi âgé de Pallantée qu’il a fondée sur le futur emplacement de Rome. Il est l’allié d’Énée.

Pallas est le fils d’Évandre, venu se battre avec Énée, il sera tué par Turnus.

Mézence est le roi de la ville de Caercé. Il est cruel et détesté par ceux qui l’entourent, qui sont prêts à se battre contre lui.

Tarchon est le chef des Étrusques (ou Toscans) qui se sont rebellés contre Mézence et qui vont suivre Énée.

Camille est une amazone, reine du pays des Volsques, qui est alliée à Turnus.

Les dieux qui interviennent :

Vénus : La déesse de la beauté, mère d’Énée. C’est Aphrodite chez les Grecs. Elle est nommée aussi Cypris, ou Cythérée.

Jupiter : Le roi des Dieux, Zeus chez les Grecs. Il est le garant de l’accomplissement du destin d’Énée qui doit le mener à fonder une nouvelle civilisation dans le Latium.

Junon : Elle est l’épouse de Jupiter et également sa sœur. Pendant la Guerre de Troie, elle a tout fait pour faire perdre les Troyens. Elle en veut aux Troyens parce que Pâris avait choisi Vénus plutôt qu’elle pour l’attribution de la pomme d’or. Dans l’Énéide, elle tente toujours de faire échouer Énée.

Minerve : déesse de la stratégie guerrière. Pallas Athéna pour les Grecs. Elle est souvent nommée Pallas chez Virgile.

Diane : déesse de la chasse, Artémis chez les Grecs.

Juturne : la sœur de Turnus qui l’aidera comme Vénus aide Énée. Elle est une nymphe des eaux.

Les forces des deux camps dans les combats

Les forces des deux camps sont décrites au Chant VII-9 pour les Latins et au chant X-2 pour ceux qui aident les Troyens.

Le camp des Troyens comprend les Troyens venus avec Énée, les hommes d’Évandre suivant Pallas et les Toscans ou Étrusques qui sont venus avec Tarchon.

Le camp des Latins comprend les Latins de Latinus, les Rutules de Turnus, Mézence et ses fidèles, Messape, les Volsques de Camille et d’autres alliés de la région.

Les noms de lieux dans l’Énéide

Les lieux sont souvent appelés de différentes manières, déjà par Virgile, puis par le traducteur :

Troie, peut être appelée Ilion, Pergame ou la Phrygie ; ainsi Troyens ou Phrygiens sont ici synonymes.

L’Italie peut être appelée Ausonie : nom poétique de l’Italie, venant du nom des Auzones ; Hespérie (contrée située à l’ouest) : c’est le nom de l’Italie pour les Grecs anciens.

Le Latium : Le Latium est la région de Rome où habitent les Latins, on parle dans l’Énéide de la Lavinie, du nom de Lavinia, qui peut être assimilée au Latium.

L’Étrurie : L’Étrurie était la patrie des Étrusques. Quand on en parle dans l’Énéide, elle correspond à peu près à la Toscane au nord de Rome. Elle s’est étendue jusqu’à Capoue lors de son extension maximum. L’appellation Toscan ou Étrusque dans l’Énéide est donc similaire.

Notre édition de l’Énéide

Notre édition s’appuie sur la très belle traduction de Jacques Delille en vers français. Cette traduction en vers permet de conserver la musique de l’épopée. Nous avons modernisé les expressions vieillies pour que la lecture coule harmonieusement.

Nous avons ajouté des titres et des résumés pour mieux structurer la lecture.

Nous avons ajouté de nombreuses notes mythologiques et historiques pour permettre de bien resituer le texte de Virgile.

On peut passer du texte en français au texte latin par les balises [L] et [F]. La numérotation des vers est indiquée dans le texte latin à côté de la balise [F].