Préface des Editions de Londres

L’anarchie est le texte tiré d’un discours fait en 1894 devant une loge maçonnique de Bruxelles, quelques mois après la promulgation de la troisième loi scélérate, qui vise directement la mouvance anarchiste. Titre simple, texte admirable, dont Les Editions de Londres, par le choix de leur illustration originale, cherchent à extraire la substantifique moelle, car l’anarchie, c’est avant tout le déni de l’autorité abstraite, incohérente, injustifiée que représente le souverain, le tyran ou l’Etat. D’où le choix de l’échiquier, Echec et mat : le Sheikh est mort. C’est bien dommage, mais on n’a pas besoin de lui. Comme l’écrit Elisée Reclus, « le mot lui-même pris dans son acception « absence de gouvernement », de « société sans chefs », est d’origine ancienne… ».

« Le but des anarchistes leur est donc commun avec beaucoup d’hommes généreux, appartenant aux religions, aux sectes, aux partis les plus divers, mais ils se distinguent nettement par les moyens, ainsi que leur nom l’indique de la manière la moins douteuse. La conquête du pouvoir fut presque toujours la grande préoccupation des révolutionnaires, même des plus intentionnés. L’éducation reçue ne leur permettrait pas une société libre fonctionnant sans gouvernement régulier, et, dés qu’ils avaient renversé des maîtres haïs, ils s’empressaient de les remplacer par d’autres maîtres, destinés selon la formule consacrée, à faire « le bonheur de leur peuple » […] Contre cet instinct, l’anarchie représente vraiment un esprit nouveau. On ne peut point reprocher aux libertaires qu’ils cherchent à se débarrasser d’un gouvernement pour se substituer à lui ».

On voit bien comment Reclus peut s’écarter dans sa pensée de nombre des anarchistes de l’époque, sans pour autant tomber dans le piège inverse et nier les valeurs qui unissent tous les anarchistes : l’amour de la liberté et la haine de l’autorité centrale. Reclus, à l’instar de Darien, prétend au moins autant au titre de libertaire. Il critique indirectement les expériences de Fourier, de Cabet. Il s’insurge contre l’injustice et toutes les injustices. Il oppose à l’ancienne morale, fondée sur le tremblement, la peur et l’effroi, la morale anarchiste, fondée sur la liberté, l’égalité et la justice. Des mots, tout ça, tant que l’on ne les met pas en pratique. Mais des mots admirables qui donnent envie de se lever, et de justement les mettre en pratique. C’est l’objectif subversif des Editions de Londres, puisqu’à notre époque, il est devenu subversif de promouvoir la liberté.

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