Préface des Editions de Londres

« L’Assommoir » est un roman d’Emile Zola publié en 1876. Il s’agit du septième volume des Rougon-Macquart. « L’Assommoir », c’est l’un des romans les plus célèbres de Zola, avec Germinal, et aussi le plus lu historiquement, encore une fois, après Germinal. C’est aussi, dans la fresque des Rougon-Macquart, le roman de la condition ouvrière.

Les personnages

Le personnage principal est de nouveau une femme, Gervaise. Trompée, battue, méprisée, Gervaise est une boîteuse, elle finira par se laisser aller, et plonger à son tour dans le vice et l’alcoolisme.Coupeau est un bon ouvrier couvreur au début, il a la hantise de remonter sur les toits suite à une chute. Il devient alcoolique. Auguste Lantier est un parasite qui dilapide l’héritage de Gervaise. Anna Coupeau est la fille de Gervaise et de Coupeau. Ce sera Nana. Mais le principal personnage, finalement, c’est L’Assommoir, là où trône l’alambic : c’est le débit de boissons où les ouvriers comme Coupeau vont noyer leurs espoirs déçus, s’enivrer pour oublier et mourir.

Résumé de l’histoire

Gervaise Macquart arrive de Plassans. Elle est boîteuse, elle suit son amant, Auguste Lantier, jusqu’à Paris, avec leurs deux enfants, Claude et Etienne Lantier. Auguste Lantier la quitte peu de temps après pour suivre Adèle, laissant Gervaise seule avec ses deux fils. Pour survivre, elle devient blanchisseuse. Elle rencontre Coupeau, un ouvrier couvreur, et l’épouse. Ils auront une fille ensemble, Anna Coupeau. Au début, tout se passe bien. Gervaise a des projets, elle veut améliorer son quotidien et envisage d’ouvrir une petite blanchisserie. Mais un deuxième évènement vient perturber son existence : Coupeau tombe d’un toit. Elle le soignera à la maison. Sa convalescence se passe mal. Il déprime, devient inactif et est tenté par la boisson. Gervaise le supporte mal, elle est malheureuse. Mais quelqu’un s’intéresse à elle : c’est Goujet, il est forgeron, il aime Gervaise, il lui prêtera l’argent dont elle a besoin pour ouvrir sa blanchisserie. Elle se lance, embauche même des ouvrières. Pendant ce temps, Coupeau tombe dans l’ivrognerie à force de fréquenter l’Assommoir. C’est alors que, troisième étape dans la vie de Gervaise, Lantier revient le jour où Gervaise sert une oie à la table de ses invités, signe de réussite sociale. Il loge chez Gervaise et Coupeau. Les deux hommes s’entendent pour vivre à son crochet, ils ne font rien, boivent et mangent. Goujet lui propose de partir avec elle, plutôt que d’entretenir ces deux inutiles. Elle refuse et redevient l’amante de Lantier. Criblée de dettes, affublée d’un mari ivrogne et d’un amant mauvais, elle vend sa blanchisserie, et se met à boire. Pendant ce temps, Nana devient fleuriste et se fait entretenir. Coupeau est dans un état désespéré, il meurt à Sainte-Anne en proie au délire. Gervaise est à la rue, elle se prostitue. Elle meurt seule.

Le roman de la condition ouvrière

« L’Assommoir » est un monument du mélodrame, le mélodrame à l’état pur, pas tempéré par la violence des sentiments comme dans La Bête humaine, ou les différentes dimensions de l’histoire comme dans Germinal ou encore, le cadre historique et la multiplicité des personnages et des destinées comme dans La Fortune des Rougon. En centrant l’action sur le destin d’un personnage principal, en montrant l’immoralité absolue du système social, ou plutôt de l’engrenage social dans lequel évoluent les ouvriers, en prenant comme héros inhumain l’Assommoir/alambic (la locomotive dans La Bête humaine, la Bourse dans L’Argent, les Halles de la bouffe dans Le ventre de Paris, le grand magasin dans Au Bonheur des Dames etc…), Zola choisit un symbole de la dépendance humaine beaucoup plus unidimensionnel. Ce n’est pas un environnement qui conditionne les hommes et leurs comportements pour en tirer le meilleur comme le pire, ce n’est pas un environnement aux manifestations contrastées, à la différence de, disons, la locomotive, à la fois modernité, violence, bestialité ; l’alambic est tout simplement un cancer, un cancer toléré par l’ensemble de la société puisque c’est un élément nécessaire à la domestication des revendications ouvrières. L’alcool, les lois et la troupe. Sans parler des relations des ouvriers entre eux, dépeintes par Zola avec un tel réalisme cruel que l’on se demande ce qu’en aurait fait Céline s’il en avait réécrit certains chapitres.

« L’Assommoir » est un des plus grands romans de Zola, un des plus lus et des plus célèbres, le plus lu avec Germinal comme nous le disions plus haut. C’est aussi un roman des extrêmes. Zola ne fait vraiment pas dans la nuance. Il veut démontrer quelque chose, il veut choquer, il veut provoquer. Si Nana sera la métaphore du Second Empire, « l’Assommoir » est la supplique de la classe ouvrière ou son portrait misérabiliste. Ceci n’enlève rien à la beauté des pages de « L’Assommoir » : la description du lavoir, l’ennui de Coupeau suite à sa chute, ou encore celle de l’alambic, « elle aperçut l’alambic, la machine à soûler, fonctionnant sous le vitrage de l’étroite cour, avec la trépidation profonde de sa cuisine d’enfer. Le soir, les cuivres étaient plus mornes, allumés seulement sur leur rondeur d’une large étoile rouge ; et l’ombre de l’appareil, contre la muraille du fond, dessinait des abominations, des figures avec des queues, des monstres ouvrant leurs mâchoires comme pour avaler le monde. ». Pourtant, misérabiliste ou pas, ce portrait portera. Et c’est probablement ce qu’il fallait…

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