Au lecteur.

C’est ici lecteur, l’essai d’un caprice, où, si je ne me trompe, l’invention et le jugement ne se rencontrent pas mal ensemble. J’appelle cet ouvrage un caprice, parce qu’il est en effet une créature de la fantaisie. Aussi, ne crois-je pas que l’intention de l’auteur ait jamais été d’en tenir pour véritables toutes les particularités et les circonstances. Il suffit que tu lui laisses la liberté d’imaginer, comme il te la laisse de juger de ce qu’il imagine. Possible que ce Nouveau Monde qu’il te découvre ne trouvera pas un meilleur accueil en ton opinion que fit d’abord celui de Colomb, dans les sentiments de tous les esprits de son siècle. Et toutefois, ces grandes terres de l’Amérique, dont il y eut la première idée, parvenue à la connaissance des hommes, ont reçu depuis une infinité de nouvelles colonies. Et quoi qu’elles fussent alors inconnues, si est-ce qu’enfin il s’est vérifié depuis que l’étendue n’en est pas moins vaste que celle de tout le reste du monde. Que si cela ne te persuade assez bien, tu n’as qu’à te représenter que ce qui est véritable touchant les antipodes, a été autrefois un aussi grand paradoxe que celui-ci. Qu’il y a dans la lune divers peuples qui l’habitent, et qui se gouvernent entre eux d’une façon différente de la nôtre. Mais après tout, ce sont choses dont les notions semblent avoir été particulièrement réservées au siècle où nous sommes. Car il est si clairvoyant que nos Galiléistes peuvent avec leurs lunettes remarquer des taches au corps de soleil et discerner des montagnes dans le globe de la lune. Tu en apprendras davantage au discours suivant, que j’expose aussi volontiers à ta censure, qu’à la lumière du jour, qui découvre tout.