Préface des Editions de Londres

« Le bouchon de cristal » est un roman de Maurice Leblanc publié en 1912. C’est la cinquième publication des aventures d’Arsène Lupin, le gentleman-cambrioleur, par Les Editions de Londres. Dans « Le bouchon de cristal », Arsène Lupin affronte un nouvel ennemi, le député Daubrecq.

Résumé du « Bouchon de cristal »

Tout commence par un cambriolage dans la villa d’Enghien du député Daubrecq. Lupin sent bien que ses deux complices, Gilbert, jeune homme de vingt ans un peu rêveur, et Vaucheray, sinistre crapule qu’il regrette d’avoir engagé sur ce coup, ne sont ni l’un ni l’autre francs du collier. La villa devait être déserte, mais ne l’est pas. Le comportement de ses deux complices est bizarre. Le domestique Léonard apparaît de nulle part, il y a une échauffourée, et Léonard est tué. Avant de mourir, il a le temps d’appeler la police, qui arrive aussitôt sur les lieux. Lupin promet à Gilbert et Vaucheray de tout faire pour les sauver de l’échafaud, mais pour cela, il doit être libre. Il se déguise, et réussit à s’enfuir au nez et à la barbe des policiers.

Puis commence une incroyable série d’évènements. D’abord, Lupin apprend que Gilbert avait un but caché ce soir là : récupérer un bouchon de cristal. Lupin s’intéresse à Daubrecq, et à la femme mystérieuse qu’il rencontre chez lui, puis au théâtre…Il fait engager Victoire comme domestique chez Daubrecq. Mais, malgré ses déguisements, Daubrecq le démasque, l’humilie, et semble prévoir ses moindres mouvements et ses initiatives. Mais ce n’est pas tout. A deux reprises, Lupin met la main sur le bouchon de cristal, et à deux reprises on lui reprend dans les minutes ou les heures qui suivent. La nuit, dans la poche de sa redingote au milieu d’une foule…

Puis Lupin apprend que la femme mystérieuse s’appelle Clarisse Mergy et que Daubrecq la poursuit de ses assiduités. Clarisse est la mère de Gilbert. Son mari, Mergy, figure sur une fameuse liste, la liste des vingt-sept. Cette liste est celle des noms de personnalités politiques et financières qui sont directement mêlées au scandale du canal des Deux-mers. Lupin découvre que Daubrecq aurait fait fabriquer un bouchon de cristal évidé de l’intérieur, afin d’y cacher la liste avec laquelle il fait chanter le monde politique parisien depuis des années, ce qui explique sa fortune et sa puissance.

Nouveau rebondissement : Daubrecq fait enlever le petit Jacques, fils cadet de Clarisse. Lupin obtient sa libération en échange de tous les biens dérobés à Daubrecq au cours de la fameuse nuit d’Enghien. Mais les choses n’avancent guère pour Lupin, et avec les jours qui passent, la sentence exécutoire qui pèse sur les têtes de Gilbert et de Vaucheray se rapproche. Alors, Lupin propose un pacte à Daubrecq : si celui-ci use de ses influences pour épargner l’échafaud à Gilbert, Lupin promet d’oublier Daubrecq et la liste. Dans le cas contraire, Lupin jure qu’il lui reprendra cette liste et le fera payer chèrement. Daubrecq refuse.

Gilbert et Vaucheray sont jugés et condamnés. En plein tribunal, Lupin lance un mot d’espoir au milieu de la salle, puis disparaît. A court d’idées, il envisage d’enlever Daubrecq, mais nouveau coup de théâtre, celui-ci est enlevé, non pas par Lupin, mais par l’un de ceux qui figurent sur la liste, Albufex. Pour récupérer Daubrecq, Lupin va devoir escalader une enceinte impénétrable. Entre temps, Albufex et ses complices ont si bien torturé Daubrecq que celui-ci a parlé. Lupin libère Daubrecq, mais ce dernier le trahit, et Lupin manque mourir, puis ne se réveille que dix-huit jours plus tard. Commence une incroyable course-poursuite jusqu’à San Remo, qui ramène Lupin et Clarisse à Paris avec leur otage Daubrecq. Lupin arrête l’exécution de Gilbert et Vaucheray d’un coup de fusil, finit par découvrir la fameuse cachette du bouchon de cristal, récupère la liste et se précipite chez Prasville, un autre nom sur la liste. Nouveau retournement de situation : la liste qui devait être vraie est fausse. Ecrite sur du papier pelure comme la vraie liste, il y manque la petite croix de lorraine qui garantit son authenticité.

A la fin, un nouveau retournement de situation ; Lupin trouve enfin la vraie liste. Daubrecq se suicide, Clarisse disparaît, Gilbert est sauvé, et Lupin, une fois de plus, ne sait que faire de sa vie, tandis qu’il confie ses souvenirs à Maurice Leblanc.

Arsène Lupin affronte un nouvel ennemi

En effet, c’est presque un leitmotiv, mais Leblanc, après avoir introduit la police, Ganimard, puis Herlock Sholmès, puis Isidore Beautrelet, puis le terrible LM, doit encore une fois faire preuve d’imagination et inventer un personnage qui soit de force pour que Lupin se mesure à lui sans que le lecteur s’ennuie. Alors, il fait le point : Ganimard n’est pas très malin, mais ce n’est pas un vrai ennemi. Herlock Sholmès est brillant, froid et dur, mais un brillant détective peut-il être l’ennemi de Lupin ? Et Beautrelet, un cousin de Rouletabille, sympathique comme tout ? Non… LM et son alter ego sont si ignobles qu’ils en meurent. Il ne reste plus à Leblanc qu’à trouver un autre ennemi, surpuissant et insaisissable, et le faire mourir, en sachant qu’il faudra en trouver un autre…

Un roman contre la montre

C’est probablement le roman de Leblanc à l’intrigue la plus serrée. Finies les nouvelles, finis les romans à multiples dimensions. Si « Le bouchon de cristal » reste plein de rebondissements, dans la tradition feuilletonesque du Dix Neuvième siècle, le point de départ est simple : il y a une liste, il faut la retrouver. Tout tourne autour de cette liste pour laquelle les humains concernés n’hésiteraient pas à tuer, tandis que la masse insouciante continue son bonhomme de vie sans comprendre que ceux qui la dirigent et la dominent ne le font que par chantage, trahison, projets criminels. Le temps est d’une grande importance dans « Le bouchon de cristal ». Le spectre de la peine de mort qui attend Gilbert pousse Lupin dans ses derniers retranchements ; ici, ce n’est plus une question d’honneur, ou de protéger sa vie, c’est la vie d’un autre qui est en jeu. Et Lupin a promis, donc il tiendra.

La corruption de la Troisième République

Les influences sont généralement assez évidentes chez Maurice Leblanc. N’oublions pas qu’il débute sa carrière comme journaliste, donc il suit l’actualité, chaque matin après le café et les biscottes beurrées, il sort de chez lui pour respirer l’air du temps. Le scandale de Panama est un des plus gros scandales politico-financiers qui secouèrent la Troisième République, un des régimes les plus antidémocratiques qu’ait connu la France jusqu’au Cartel des Gauches et au Front Populaire. Quoique le scandale en question remonte à 1892-1893, il marqua profondément les consciences françaises puisque comme toujours les coupables s’en tirèrent à peu près, à la différence des centaines de milliers d’épargnants que la corruption de leurs dirigeants ruina.

L’influence d’Edgar Allan Poe

La lettre volée d’Edgar Allan Poe est le point de départ du « Bouchon de cristal ». Maurice Leblanc a eu envie d’écrire un « Arsène Lupin » sur le modèle de la lettre volée, et la liste des vingt-sept est sûrement venue après. Nous pensons même qu’il a emprunté au Double assassinat dans la rue Morgue pour l’épisode du petit Jacques qui s’introduit à l’intérieur de la maison afin de subtiliser le bouchon de cristal. D’ailleurs, ce sont deux nouvelles de Poe mettant en scène Auguste Dupin. Auguste Dupin, Arsène Lupin, non ? Et puis, Maurice Leblanc n’a jamais caché son admiration pour Edgar Allan Poe et l’influence qu’il exerça sur lui. La lettre volée il la mentionne gracieusement à la fin du « Bouchon de cristal » : Et, sans répondre aux interrogations de l’inspecteur, il songeait à la simplicité de la cachette, et il se rappelait la merveilleuse histoire d’Edgar Poe où la lettre volée, et recherchée si avidement, est, en quelque sorte offerte aux yeux de tous. On ne soupçonne pas ce qui ne semble point se dissimuler.

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