Préface des Éditions de Londres

Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau furent publiées après sa mort en 1782 pour les six premiers livres et 1789 pour les six suivants.

On ne sait pas bien quand Rousseau décida d’écrire ses « Confessions ». Ses éditeurs les lui demandaient depuis plusieurs années, mais il s’y refusait, jugeant cela irréalisable. Il semble que ce soit le pamphlet de Voltaire en 1765, Sentiment des citoyens, dénonçant Rousseau pour l’abandon de ses enfants, qui l’ait décidé. Il avait toutefois déjà rassemblé des documents, peut-être pour écrire son « portrait ». C’est donc en Angleterre, à Wooton, que commença l’écriture. Il s’interrompra à la fin du livre 6 pendant deux ans pour reprendre l’écriture en 1769 dans la ferme Monquin à Maubec en Dauphiné.

Dans les Confessions, Rousseau raconte les évènements de sa vie, mais il raconte surtout ses sentiments. Il n’hésite pas à raconter ses fautes et ses travers, mais il cherche toujours à les justifier et estime qu’il n’est pas pire qu’un autre : « Être éternel, rassemble autour de moi l’innombrable foule de mes semblables ; qu’ils écoutent mes confessions, qu’ils gémissent de mes indignités, qu’ils rougissent de mes misères. Que chacun d’eux découvre à son tour son cœur au pied de ton trône avec la même sincérité, et puis qu’un seul te dise, s’il l’ose : Je fus meilleur que cet homme-là. »

Les Confessions sont une grande œuvre littéraire qui se lit comme on écoute une musique. Le langage est simple et naturel.

Comme Montaigne au début des essais, Rousseau présente les Confessions comme l’étude d’un seul sujet, lui-même. « Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature, et cet homme, ce sera moi. » « Je me suis montré tel que je fus : méprisable et vil quand je l’ai été ; bon, généreux, sublime, quand je l’ai été. » Toutefois à la différence de Montaigne, Rousseau veut se confesser et justifier ses fautes : « Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra, je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge. »

Les Confessions exposent les sentiments de Rousseau beaucoup plus que sa pensée : « Je sentis avant de penser ; c’est le sort commun de l’humanité. Je l’éprouvai plus qu’un autre. »

Il veut aussi par ses confessions laisser l’image qu’il souhaite de lui à la postérité. Il dit dans le livre VIII : « Mais puisque enfin mon nom doit vivre, je dois tâcher de transmettre avec lui le souvenir de l’homme infortuné qui le porta, tel qu’il fut réellement, et non tel que d’injustes ennemis travaillent sans relâche à le peindre. »

Première partie

La première partie fut écrite en Angleterre après que Rousseau fut obligé de quitter la France puis la Suisse. Dans cette première partie, Rousseau se penche sur son enfance et sa jeunesse en analysant ses sentiments. Cette partie est pleine de fraîcheur et de poésie.

Livre premier

Le livre premier raconte l’enfance de Rousseau jusqu’à seize ans. Selon les thèmes qui lui sont chers, on retrouve la petite enfance pure et heureuse gâtée par l’injustice des adultes qui le rend mauvais.

Il commence par une enfance heureuse dans un cocon familial qui l’aime, bien que sa mère soit morte à sa naissance. Il vit avec son père avec lequel il découvre, très jeune, la lecture et lira en particulier Plutarque, sa tante Suson dont il se rappelle les chansons et sa nourrice Jacqueline.

Puis, quand il eut onze ans, son père dû partir de Genève et il fut confié à son oncle Gabriel Bernard qui le met en éducation chez le pasteur Lambercier à Bossey avec son cousin avec lequel il se lie d’une grande amitié. Il y prendra le goût de la campagne qui ne le quittera pas par la suite : « La campagne était pour moi si nouvelle que je ne pouvais me lasser d’en jouir. Je pris pour elle un goût si vif, qu’il n’a jamais pu s’éteindre. »

Deux faits marqueront ce séjour à Bossey : le plaisir qu’il éprouva lorsqu’il reçut une fessée de mademoiselle Lambercier : « Qui croirait que ce châtiment d’enfant, reçu à huit ans par la main d’une fille de trente, a décidé de mes goûts, de mes désirs, de mes passions, de moi pour le reste de ma vie, et cela précisément dans le sens contraire à ce qui devait s’ensuivre naturellement ? » Le deuxième est le bris d’un peigne dont il est accusé et qu’il nie. Il considérera comme une grande injustice la punition reçue et c’est pour lui la fin de son enfance : « On ne put m’arracher l’aveu qu’on exigeait. Repris à plusieurs fois et mis dans l’état le plus affreux, je fus inébranlable. J’aurais souffert la mort, et j’y étais résolu. Il fallut que la force même cédât. »

Après deux ans à Bossey, Rousseau revient chez son oncle à Genève. Il va voir son père à Nyon où il a deux chastes amours : mademoiselle Vulson qui avait vingt-deux ans et mademoiselle Goton de son âge.

En 1723, il est mis en apprentissage d’abord chez un greffier d’où il est renvoyé puis chez un artisan graveur où il restera trois ans durement traité et où il pense perdre sa pureté : « Les goûts les plus vils, la plus basse polissonnerie succédèrent à mes aimables amusements, sans m’en laisser même la moindre idée. » « La tyrannie de mon maître finit par me rendre insupportable le travail que j’aurais aimé, et par me donner des vices que j’aurais haïs, tels que le mensonge, la fainéantise, le vol. »

Chez son maître, Rousseau s’habitue à voler malgré les punitions : « Bientôt, à force d’essuyer de mauvais traitements, j’y devins moins sensible ; ils me parurent enfin une sorte de compensation du vol, qui me mettait en droit de le continuer. »

Enfin, las de cet apprentissage et craignant une nouvelle correction parce qu’il n’avait pas pu rentrer à temps, les portes de la ville ayant été fermées avant son retour, il décide de se sauver de chez son maître.

Livre II

Le livre II concerne la fuite de Rousseau qui rencontre Mme de Warens et va se convertir au catholicisme à Turin où il vivra seul et libre plusieurs mois en 1728.

En partant à l’aventure, Rousseau qui aurait pu craindre tous les risques de son isolement, s’attend à une vie héroïque : « Un seul château bornait mon ambition : favori du seigneur et de la dame, amant de la demoiselle, ami du frère et protecteur des voisins, j’étais content ; il ne m’en fallait pas davantage. »

Il arrive chez le curé de Pontverre qui veut le convertir à la foi catholique et l’envoie chez madame de Warens à Annecy. Sa rencontre est un coup de foudre pour Jean-Jacques : « Mon cœur se nourrissait d’un sentiment tout nouveau dont il occupait tout mon être ; il ne me laissait des esprits pour nulle autre fonction. »

Rousseau se dirige alors, heureux, vers Turin pour entrer à l’hospice des catéchumènes catholique afin de se convertir. Mais c’est la déception en y entrant. Rousseau regrette de s’être laissé entraîner à changer de religion, mais il est au pied du mur et ne peut plus changer d’avis : « Nous tombons enfin dans l’abîme, en disant à Dieu : Pourquoi m’as-tu fait si faible ? Mais malgré nous il répond à nos consciences : Je t’ai fait trop faible pour sortir du gouffre, parce que je t’ai fait assez fort pour n’y pas tomber. »

Une fois converti, Rousseau est mis hors de l’hospice et se retrouve seul à Turin avec vingt francs en poche. Il erre alors dans Turin cherchant des petits travaux. Il rencontrera ainsi une marchande, Madame Basile, dont il sera fort épris. Il sera au comble du plaisir, quand la voyant dans la glace, elle lui fit signe de s’installer à ses pieds et qu’il put lui baiser la main : « En me levant en hâte, je saisis une main qu’elle me tendait, et j’y appliquai deux baisers brûlants, au second desquels je sentis cette charmante main se presser un peu contre mes lèvres. De mes jours je n’eus un si doux moment. »

Ensuite, Rousseau trouve un emploi d’homme à tout faire chez la comtesse de Vercellis qu’il verra mourir dignement au bout de trois mois. C’est alors qu’il vole un ruban et accuse une jeune servante de lui avoir donné. Il en aura des remords toute sa vie : « Ce souvenir cruel me trouble quelquefois, et me bouleverse au point de voir dans mes insomnies cette pauvre fille venir me reprocher mon crime comme s’il n’était commis que d’hier. » « Ce poids est donc resté jusqu’à ce jour sans allégement sur ma conscience ; et je puis dire que le désir de m’en délivrer en quelque sorte a beaucoup contribué à la résolution que j’ai prise d’écrire mes confessions. »

Livre III

Le livre III concerne le retour de Rousseau chez Mme de Warens et son premier séjour auprès d’elle jusqu’en 1731.

Rousseau retourne chez sa logeuse de Turin. Il est obsédé par le désir sexuel et se livre à l’exhibitionnisme : « J’allais chercher des allées sombres, des réduits cachés, où je pusse m’exposer de loin aux personnes du sexe dans l’état où j’aurais voulu être auprès d’elles. »

Il rentre ensuite au service du comte de Gouvon. Il s’y perfectionnera en latin avec l’abbé de Gouvon. On veut le faire progresser, mais Rousseau s’entiche d’un camarade, Bâcle, et veut retourner à Genève avec lui. Il réussit à se faire mettre à la porte et s’en va sans montrer aucune reconnaissance pour le soin qu’on avait pris de lui : « Pour concevoir jusqu’où mon délire allait dans ce moment, il faudrait connaître à quel point mon cœur est sujet à s’échauffer sur les moindres choses, et avec quelle force il se plonge dans l’imagination de l’objet qui l’attire, quelque vain que soit quelquefois cet objet. »

Il abandonne son ami Bâcle en arrivant à Annecy et se précipite chez madame de Warens qui le reçoit aimablement et décide de le loger chez elle. « Dès le premier jour, la familiarité la plus douce s’établit entre nous au même degré où elle a continué tout le reste de sa vie. Petit fut mon nom ; Maman fut le sien. »

On envisage alors de le faire prêtre et il va étudier au séminaire. Mais ses études sont sans succès et il retourne chez madame de Warens. Puis il est mis en pension chez M. le Maître pour y apprendre la musique. Il y fait la rencontre d’un jeune musicien débauché : M. Venture qu’il admire.

Rousseau est chargé par Mme de Warens d’accompagner M. le Maître. Ils vont ensemble jusqu’à Lyon où Le Maître est atteint d’une grave attaque d’épilepsie et Rousseau, effrayé, l’abandonne : « Je pris l’instant où personne ne songeait à moi ; je tournai le coin de la rue, et je disparus. Grâce au ciel, j’ai fini ce troisième aveu pénible. »

Rousseau revient à Annecy, mais ne trouve pas Mme de Warens qui est partie à Paris.

Livre IV

Le livre IV est le récit de l’errance dans la pauvreté alors que Mme de Warens est absente et qu’il doit vivre de ses propres moyens.

En revenant à Annecy et en l’absence de madame de Warens, Rousseau retrouve Venture chez qui il vit.

Il fait la rencontre de Mlle de Graffenrield et de Mlle Galley. Il s’éprend alors de Mlle Galley et peut lui baiser la main. « J’ai peut-être eu plus de plaisir dans mes amours en finissant par cette main baisée, que vous n’en aurez jamais dans les vôtres en commençant tout au moins par là. » Mais, bien qu’il surveille leur fenêtre et qu’il leur écrive, il ne les reverra pas.

Il accompagne la servante de Mme Warens à Fribourg et reste chaste malgré les bonnes dispositions de la fille : « Je n’imaginais pas comment une fille et un garçon parvenaient à coucher ensemble ; je croyais qu’il fallait des siècles pour préparer ce terrible arrangement. »

Au retour, il s’arrête à Lausanne et tente de gagner sa vie en proposant des leçons de musique et il compose une pièce de musique qui est une catastrophe. Puis il va passer l’hiver à Neuchâtel toujours en donnant des leçons de musique.

Rousseau s’acoquine avec un soi-disant quêteur grec et le suit comme secrétaire vers Jérusalem en récoltant des dons pour le Saint Sépulcre dans toutes les capitales d’Europe. Il n’ira pas plus loin que Soleure où le marquis de Bonac, ambassadeur de France, le retiendra, car le quêteur grec était un imposteur.

M. de Bonac lui trouve un emploi à Paris pour où il part. Mais son employeur est si avare que Rousseau refuse l’emploi et repart de Paris à la recherche de Mme de Warens.

Il doit attendre à Lyon de savoir où est Mme de Warens et il reste de longs jours sans ressources, dormant dehors et mangeant peu. Enfin, il peut retrouver Mme de Warens à Chambéry.

Mme de Warens lui a trouvé un emploi comme fonctionnaire au cadastre lui permettant de loger chez elle.

Livre V

Le livre V couvre la période où Rousseau est à Chambéry avec Mme de Warens avec qui les relations perdent leur caractère de chasteté.

Rousseau est installé à Chambéry et travaille au cadastre.

Il se passionne pour la musique qu’il apprend avec difficulté : « Ce qu’il y a d’étonnant est qu’un art pour lequel j’étais né m’ait néanmoins tant coûté de peine à apprendre, et avec des succès si lents, qu’après une pratique de toute ma vie, jamais je n’ai pu parvenir à chanter sûrement tout à livre ouvert. »

Rousseau décide alors de gagner sa vie avec la musique et au bout de moins de deux ans, il abandonne le cadastre : « Je quittai volontairement mon emploi sans sujet, sans raison, sans prétexte, avec autant et plus de joie que je n’en avais eu à le prendre il n’y avait pas deux ans. »

Heureusement, il trouve une clientèle suffisante d’élèves et est satisfait de sa décision.

Devant les avances que lui font les mères de ses élèves, Mme de Warens décide qu’il faut le déniaiser et de le faire elle-même : « Quoi qu’il en soit, maman vit que pour m’arracher au péril de ma jeunesse il était temps de me traiter en homme ; et c’est ce qu’elle fit, mais de la façon la plus singulière dont jamais femme se soit avisée en pareille occasion. »

Un tel comportement peut paraître surprenant et Rousseau consacre de longues pages à le justifier.

Rousseau veut apprendre à composer la musique et veut pour cela prendre des cours à Besançon chez l’abbé Blanchard. Il arrive à Besançon, mais apprend que sa malle a été saisie par la douane parce qu’il y traînait un pamphlet interdit. Rousseau est alors obligé de retourner à Chambéry et il se rabat, pour apprendre la musique, sur l’étude du livre de Rameau et fait quelques essais de composition qui sont joués à Chambéry.

Pendant cette même période, Rousseau voyage dans la région jusqu’à Lyon et Genève et commence à s’intéresser à la littérature.

Puis il tombe malade et est soigné par Mme de Warens : « Enfin je tombai tout à fait malade. Elle me soigna comme jamais mère n’a soigné son enfant ; et cela lui fit du bien à elle-même, en faisant diversion aux projets et tenant écartés les projeteurs. Quelle douce mort, si alors elle fût venue ! »

Pour que Rousseau reprenne des forces, Mme de Warens et lui vont s’installer à la campagne aux Charmettes : « Ô maman ! dis-je à cette chère amie en l’embrassant et l’inondant de larmes d’attendrissement et de joie, ce séjour est celui du bonheur et de l’innocence. Si nous ne les trouvons pas ici l’un avec l’autre, il ne les faut chercher nulle part. »

Livre VI

Le livre VI raconte les jours heureux aux Charmettes puis très rapidement la froideur de Mme Warens vis-à-vis de lui. Il se termine par son départ pour Paris.

Rousseau passe quelque temps heureux, isolé à la maison des Charmettes ; « Ici commence le court bonheur de ma vie ; ici viennent les paisibles, mais rapides moments qui m’ont donné le droit de dire que j’ai vécu. Moments précieux et si regrettés ! ah ! recommencez pour moi votre aimable cours ; coulez plus lentement dans mon souvenir, s’il est possible, que vous ne fîtes réellement dans votre fugitive succession. »

Rousseau se sent à nouveau malade et s’imagine mourir ce qui exacerbe ses passions : « Cet accident, qui devait tuer mon corps, ne tua que mes passions ; et j’en bénis le ciel chaque jour, par l’heureux effet qu’il produisit sur mon âme. Je puis bien dire que je ne commençai de vivre que quand je me regardai comme un homme mort. »

Il se remet tout en pensant mourir bientôt et consacre son temps à l’étude dans les livres. Étudiant la physiologie, il imagine qu’il a un polype au cœur et il veut se soigner. Il part alors pour Montpelier pour consulter le docteur Fizes qui en est spécialiste.

En chemin, Rousseau rencontre madame de Larnage qui lui fait des avances. Il se fait passer pour Anglais. Il finit par devenir son amant malgré sa timidité : « Près de madame de Larnage, au contraire, fier d’être homme et d’être heureux, je me livrais à mes sens avec joie, avec confiance ; je partageais l’impression que je faisais sur les siens ; j’étais assez à moi pour contempler avec autant de vanité que de volupté mon triomphe, et pour tirer de là de quoi le redoubler. »

Avant d’arriver à Montpelier, ils doivent se séparer, mais prennent rendez-vous pour se retrouver chez Mme de Larnage au retour.

Il reste quelque temps à Montpelier et constate rapidement qu’on le prend pour un malade imaginaire. Il se décide donc à quitter Montpelier et à rejoindre Mme de Larnage. En chemin, il hésite et choisit de rentrer directement à Chambéry pensant que c’est son devoir : « Je l’exécutai courageusement, avec quelques soupirs, je l’avoue, mais aussi avec cette satisfaction intérieure, que je goûtais pour la première fois de ma vie, de me dire : Je mérite ma propre estime, je sais préférer mon devoir à mon plaisir. »

Mais, lorsqu’il arrive à Chambéry, il trouve Mme de Warens avec un jeune homme qui a pris sa place. Rousseau est alors désespéré : « J’étais jeune encore, mais ce doux sentiment de jouissance et d’espérance qui vivifie la jeunesse me quitta pour jamais. Dès lors l’être sensible fut mort à demi. Je ne vis plus devant moi que les tristes restes d’une vie insipide. »

Rousseau reste toutefois quelque temps chez Mme de Warens, mais les rapports avec elle se refroidissent et il décide de partir. Il part pour être précepteur des enfants de M. de Mably à Lyon.

Rousseau constate qu’il est incapable de s’occuper des enfants. Il décide au bout d’un an de quitter M. de Mably et retourne chez Mme de Warens. Mme de Warens est toujours aussi froide avec lui. Rousseau décide alors de partir pour Paris afin de présenter à l’Académie un système de notation de la musique par chiffres, espérant en tirer fortune : « Enfin plein des idées magnifiques qui me l’avaient inspirée, et toujours le même dans tous les temps, je partis de Savoie avec mon système de musique. »

Deuxième partie

Rousseau avait cessé d’écrire ses confessions à la fin du livre VI. Il se remet à écrire deux ans plus tard. La première partie concernait ses trente premières années qu’il considère comme ayant été heureuses. La deuxième partie concerne les années suivantes qu’il considère comme pleines de malheurs : « Les doux souvenirs de mes beaux ans, passés avec autant de tranquillité que d’innocence, m’ont laissé mille impressions charmantes que j’aime sans cesse à me rappeler. On verra bientôt combien sont différents ceux du reste de ma vie. Les rappeler, c’est en renouveler l’amertume. »

La deuxième partie est beaucoup plus factuelle que la première et beaucoup plus sombre. Il veut y démonter le complot qu’il estime ourdi contre lui et justifier son comportement. C’est plus une apologie qu’une confession.

Rousseau est persuadé que ses anciens amis craignent ses confessions et l’espionnent : « Les planchers sous lesquels je suis ont des yeux, les murs qui m’entourent ont des oreilles : environné d’espions et de surveillants malveillants et vigilants, inquiet et distrait, je jette à la hâte sur le papier quelques mots interrompus qu’à peine j’ai le temps de relire, encore moins de corriger. »

Livre VII

Rousseau est parti pour Paris. En chemin, il s’arrête à Lyon où il revoit ses amis et est amoureux transi de Mlle Serre.

Rousseau présente son projet de notation de musique à l’Académie, mais les membres de l’Académie le refusent, disant qu’il n’est ni neuf ni utile, Rousseau lui considérant qu’ils n’y ont rien compris. Il publie l’ouvrage : Dissertation sur la musique moderne pour faire connaître son système au public.

Il mène alors pendant quelques semaines une vie oisive. Il fait la connaissance de Mme Dupin et de son beau-fils Francueil. Puis il part comme secrétaire de l’ambassadeur, M. de Montaigu, à Venise.

Sa mission à Venise commence bien, mais se termine mal. Il ne supporte plus les avanies de l’ambassadeur contre lui et décide de le quitter au bout d’un an : « Je lui fis mes adieux en peu de mots ; puis, sans attendre sa réponse, j’allai rouvrir la porte, je sortis, et passai posément dans l’antichambre au milieu de ses gens, qui se levèrent à l’ordinaire, et qui, je crois, m’auraient plutôt prêté main-forte contre lui, qu’à lui contre moi. Sans remonter chez moi, je descendis l’escalier tout de suite, et sortis sur-le-champ du palais pour n’y plus rentrer. »

De retour à Paris, Rousseau ne peut obtenir justice contre M. de Montaigu et s’aigrit de voir que les plus faibles sont mal protégés : « La justice et l’inutilité de mes plaintes me laissèrent dans l’âme un germe d’indignation contre nos sottes institutions civiles, où le vrai bien public et la véritable justice sont toujours sacrifiés à je ne sais quel ordre apparent, destructeur en effet de tout ordre, et qui ne fait qu’ajouter la sanction de l’autorité publique à l’oppression du faible et à l’iniquité du fort. »

C’est quelque temps après son retour à Paris qu’il fait la connaissance de Thérèse le Vasseur qui restera avec lui jusqu’à la fin de ses jours. C’est pour lui la compagne dont il a besoin : « Il fallait, pour tout dire, un successeur à maman : puisque je ne devais plus vivre avec elle, il me fallait quelqu’un qui vécût avec son élève, et en qui je trouvasse la simplicité, la docilité de cœur qu’elle avait trouvée en moi. Il fallait que la douceur de la vie privée et domestique me dédommageât du sort brillant auquel je renonçais. »

Rousseau finit d’écrire son opéra Les Muses Galantes et cherche à le faire représenter. Il n’y parvient pas. Il est engagé comme secrétaire auprès de Mme Dupin.

Thérèse se trouve enceinte et Rousseau décide d’abandonner l’enfant aux enfants-trouvés : « Puisque c’est l’usage du pays, quand on y vit on peut le suivre. Voilà l’expédient que je cherchais. Je m’y déterminai gaillardement, sans le moindre scrupule ; et le seul que j’eus à vaincre fut celui de Thérèse, à qui j’eus toutes les peines du monde de faire adopter cet unique moyen de sauver son honneur. »

Livre VIII

Le livre VIII concerne les débuts littéraires de Rousseau à Paris jusqu’à son départ pour l’Ermitage. Il fréquente Diderot et Friedrich Melchior Grimm et les salons littéraires.

Rousseau veut concourir à l’académie de Dijon et Diderot qu’il visite à la prison de Vincennes l’exhorte à le faire, c’est selon lui la cause de ses futurs malheurs : « Il m’exhorta de donner l’essor à mes idées, et de concourir au prix. Je le fis, et dès cet instant je fus perdu. Tout le reste de ma vie et de mes malheurs fut l’effet inévitable de cet instant d’égarement. »

Rousseau va avoir un troisième enfant qu’il mettra comme les deux premiers et les deux suivants aux enfants trouvés et il tente de justifier son geste : « Je me contenterai de dire qu’elle fut telle, qu’en livrant mes enfants à l’éducation publique, faute de pouvoir les élever moi-même, en les destinant à devenir ouvriers et paysans plutôt qu’aventuriers et coureurs de fortunes, je crus faire un acte de citoyen et de père, et je me regardai comme un membre de la république de Platon. Plus d’une fois, depuis lors, les regrets de mon cœur m’ont appris que je m’étais trompé. »

Rousseau qui est secrétaire de Mme Dupin et caissier de M. Francueil, receveur général, décide de vivre dans la simplicité et d’abandonner ces fonctions pour vivre de la copie de musique à tant la page. Il veut s’exclure du monde où il est reçu : « Jeté malgré moi dans le monde sans en avoir le ton, sans être en état de le prendre et de m’y pouvoir assujettir, je m’avisai d’en prendre un à moi qui m’en dispensât. »

En 1752, Rousseau compose son opéra : le Devin du Village qui sera un succès auprès du roi. Lors de la représentation devant le roi à Fontainebleau, Rousseau est invité à se présenter devant lui, mais par peur du ridicule, il préfère s’en aller.

Le succès du Devin du village lui fait perdre ses amis qui sont jaloux : « Depuis son succès, je ne remarquai plus ni dans Grimm, ni dans Diderot, ni dans presque aucun des gens de lettres de ma connaissance, cette cordialité, cette franchise, ce plaisir de me voir, que j’avais cru trouver en eux jusqu’alors. Dès que je paraissais chez le baron (d’Holbach), la conversation cessait d’être générale. »

Lors d’un voyage à Genève en 1754, il revoit Mme de Warens qui est dans la misère. Il regrettera toujours de ne l’avoir pas suivi : « Je gémis sur elle et ne la suivis pas. De tous les remords que j’ai sentis en ma vie, voilà le plus vif et le plus permanent. Je méritai par là les châtiments terribles qui depuis lors n’ont cessé de m’accabler ; puissent-ils avoir expié mon ingratitude ! »

Livre IX

Le livre IX retrace l’isolement de Rousseau à Montmorency et son amour impossible pour Mme d’Houdetot.

Rousseau est logé dans une petite maison, l’Ermitage, près de la forêt de Montmorency, par Mme d’Épinay. Il se remet à l’écriture.

À Paris, Rousseau méprisait la société de son temps et avait décidé d’avoir un comportement vertueux en accord avec ses pensées. Il était piquant vis-à-vis de ses amis : « Le mépris que mes profondes méditations m’avaient inspiré pour les mœurs, les maximes et les préjugés de mon siècle me rendait insensible aux railleries de ceux qui les avaient, et j’écrasais leurs petits bons mots avec mes sentences. Quel changement ! Tout Paris répétait les âcres et mordants sarcasmes de ce même homme qui, dix ans auparavant et dix ans après, n’a jamais su trouver la chose qu’il avait à dire, ni le mot qu’il devait employer. »

À l’Ermitage, il redevient timide. Il pense que la mère de Thérèse complote contre lui avec ses amis et il se sent seul : « Voilà comment, à demi trompé dans mon attente, menant une vie de mon goût, dans un séjour de mon choix, avec une personne qui m’était chère, je parvins pourtant à me sentir presque isolé. Ce qui me manquait m’empêchait de goûter ce que j’avais. En fait de bonheur et de jouissances, il me fallait tout ou rien. »

L’hiver 1756, il commence « La Nouvelle Héloïse » bien qu’un tel livre soit en contradiction avec les principes qu’il a affirmés : « Après les principes sévères que je venais d’établir avec tant de fracas, après les maximes austères que j’avais si fortement prêchées, après tant d’invectives mordantes contre les livres efféminés qui respiraient l’amour et la mollesse, pouvait-on rien imaginer de plus inattendu, de plus choquant que de me voir tout d’un coup m’inscrire de ma propre main parmi les auteurs de ces livres, que j’avais si durement censurés ? »

Au printemps 1757, Mme d’Houdetot vient lui rendre visite à l’Ermitage et il en tombe follement amoureux : « Elle vint ; je la vis ; j’étais ivre d’amour sans objet : cette ivresse fascina mes yeux, cet objet se fixa sur elle ; je vis ma Julie en madame d’Houdetot, et bientôt je ne vis plus que madame d’Houdetot, mais revêtue de toutes les perfections dont je venais d’orner l’idole de mon cœur. »

Mme d’Houdetot ne répond pas à son amour, mais lui conserve son amitié et continue à le rencontrer régulièrement pendant trois mois comme un ami pour elle, lui étant follement épris. Leur relation, mal interprétée, est la risée de leurs amis et fâche Mme d’Épinay, ainsi que Saint-Lambert, l’amant de Mme d’Houdetot, qui a été averti par Mme d’Épinay pense Rousseau. Enfin après une visite de Saint-Lambert, Mme d’Houdetot s’éloigne de Rousseau. Après une dernière visite Rousseau accepte la séparation : « Je le puis jurer, loin que ma passion malheureuse eût rien perdu de sa force, je n’aimai jamais ma Sophie aussi vivement, aussi tendrement que je fis ce jour-là. Mais telle fut l’impression que firent sur moi la lettre de Saint-Lambert, le sentiment du devoir et l’horreur de la perfidie, que, durant toute cette entrevue, mes sens me laissèrent pleinement en paix auprès d’elle, et que je ne fus pas même tenté de lui baiser la main. »

Rousseau, à cause d’une phrase du fils naturel de son ami Diderot : « Il n’y a que le méchant qui soit seul. » se fâche avec lui. Il découvre aussi que Grimm, qu’il croyait son ami, le méprise.

Mme d’Épinay doit aller à Genève pour consulter le médecin Tronchin et propose à Rousseau de l’accompagner. Rousseau refuse, arguant de sa mauvaise santé. Ce refus lui est reproché par Diderot et entraîne une fâcherie avec Mme d’Épinay, et Rousseau veut quitter l’Ermitage : « Si j’eusse été dans mon état naturel, après la proposition et le refus du voyage de Genève, je n’avais qu’à rester tranquille, et tout était dit. Mais j’en avais sottement fait une affaire qui ne pouvait rester dans l’état où elle était, et je ne pouvais me dispenser de toute ultérieure explication qu’en quittant l’Ermitage. »

Rousseau quitte l’Ermitage et trouve une maison à Montmorency, Mont-Louis où il emménage avec Thérèse Levasseur en renvoyant la mère à Paris.

Livre X

Le livre X raconte une période calme à Mont-Louis après les grandes ruptures avec ses amis, la rencontre et l’amitié avec le maréchal de Luxembourg et une amitié orageuse avec Mme de Luxembourg.

Pendant que Rousseau est à Mont-Louis, Grimm, à Paris, complote pour ternir sa réputation : « Ce fut avec ce talent supérieur que, sentant l’avantage qu’il pouvait tirer de nos positions respectives, il forma le projet de renverser ma réputation de fond en comble, et de m’en faire une tout opposée, sans se compromettre, en commençant par élever autour de moi un édifice de ténèbres qu’il me fût impossible de percer pour éclairer ses manœuvres, et pour le démasquer. »

Pendant l’hiver il rédige la Lettre à d’Alembert sur les spectacles en réponse à l’article « Genève » de l’encyclopédie et il termine La nouvelle Héloïse.

Rousseau veut abandonner la littérature et envisage d’écrire ses Confessions : « Je savais qu’on me peignait dans le public sous des traits si peu semblables aux miens, et quelquefois si difformes, que, malgré le mal dont je ne voulais rien taire, je ne pouvais que gagner encore à me montrer tel que j’étais. D’ailleurs, cela ne se pouvant faire sans laisser voir aussi d’autres gens tels qu’ils étaient, et par conséquent cet ouvrage ne pouvant paraître qu’après ma mort et celle de beaucoup d’autres, cela m’enhardissait davantage à faire mes Confessions. »

Rousseau fait la connaissance de M. le maréchal de Luxembourg et de madame et fréquente à nouveau la société. Ses relations avec Mme de Luxembourg sont difficiles.

Livre XI

Le livre XI raconte la suite de la vie à Montlouis jusqu’à la journée du 9 juin 1762 où il se sent persécuté et obligé de partir précipitamment.

« La Nouvelle Héloïse », très attendue, paraît enfin à Paris et est un vrai succès : « Il ne faut donc pas s’étonner si le plus grand succès de ce livre fut à la cour. Il abonde en traits vifs, mais voilés, qui doivent y plaire, parce qu’on est plus exercé à les pénétrer. »

Rousseau s’inquiète de la publication de l’Émile qui traîne. Toujours craignant d’être persécuté, il pense que ce sont les jésuites qui retiennent l’impression : « Je me figurai que les jésuites, furieux du ton méprisant sur lequel j’avais parlé des collèges, s’étaient emparés de mon ouvrage ; que c’étaient eux qui en accrochaient l’édition ; qu’instruits par Guérin, leur ami, de mon état présent, et prévoyant ma mort prochaine, dont je ne doutais pas, ils voulaient retarder l’impression jusqu’alors, dans le dessein de tronquer, d’altérer mon ouvrage. »

« L’Émile » paraît enfin et Rousseau sent autour de lui l’inquiétude de ses amis au sujet des conséquences de cette publication, mais lui ne s’en inquiète pas vraiment : « Je restai tranquille. Les bruits augmentèrent et changèrent bientôt de ton. Le public, et surtout le parlement, semblaient s’irriter par ma tranquillité. Au bout de quelques jours la fermentation devint terrible ; et les menaces changeant d’objet s’adressèrent directement à moi. »

Début juin 1762, Rousseau est informé qu’il va être arrêté à cause de l’Émile. Il part se réfugier à Yverdon.

Livre XII

Le livre XII est le récit de l’exil et des persécutions qui l’obligent à changer sans cesse de refuge. C’est pour lui la période la plus noire de sa vie : « Ici commence l’œuvre de ténèbres dans lequel, depuis huit ans, je me trouve enseveli, sans que, de quelque façon que je m’y sois pu prendre, il m’ait été possible d’en percer l’effrayante obscurité. »

Rousseau est très vite obligé de quitter Yverdon, un arrêt ayant été pris à Berne contre lui. Il se réfugie à Môtiers dans le canton de Neuchâtel qui fait partie des États du roi de Prusse.

Rousseau sent l’hostilité autour de lui et pense que le fait qu’il écrive ses Confessions inquiète ses anciennes relations : « La seule impression forte qu’ils m’ont laissée est celle de l’horrible mystère qui couvre leur cause, et de l’état déplorable où ils m’ont réduit. »

Les Lettres de la Montagne en réponse aux Lettres de la campagne de Tronchon, dans lesquelles Rousseau s’attaque au Conseil de Genève pour défendre les citoyens paraissent fin 1764. C’est un tollé général, les habitants lui lancent des pierres dans la rue. En réponse, Voltaire écrit, anonymement Le sentiment des citoyens dans lequel il attaque personnellement Rousseau et révèle publiquement l’abandon de ses enfants.

Devant la haine de la population, Rousseau doit quitter Môtiers au bout de deux ans et demi de séjour et part pour l’île Saint-Pierre sur le lac de Bienne toujours en Suisse. Rousseau considère qu’il se retire du monde : « Je prenais donc en quelque sorte congé de mon siècle et de mes contemporains, et je faisais mes adieux au monde en me confinant dans cette île pour le reste de mes jours ; car telle était ma résolution. »

Mais au bout de moins de deux mois, Rousseau est expulsé de l’île par le gouvernement de Berne. Il part alors pour l’Angleterre en passant par Paris.

Troisième partie

Rousseau envisageait une troisième partie à ses Confessions qu’il n’écrira pas.

Il restera moins de deux ans en Angleterre, puis reviendra en France, d’abord dans le Dauphiné, puis à Paris où on le laisse tranquille et où il mourra en 1778 au château d’Ermenonville.

Le texte des Éditions de Londres

Notre texte reprend l’édition originale dite de Genève dans laquelle nous avons modernisé l’orthographe. Nous avons ajouté des notes historiques et explicatives lorsque la compréhension n’était pas évidente. Les notes originales de Rousseau sont identifiées par le préfixe [JJR].

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