Préface des Editions de Londres

« Les contes du bizarre » sont un recueil de trois nouvelles d’Edgar Allan Poe choisies et commentées par Les Editions de Londres. Elles comprennent les contes suivants : « Metzengerstein », paru en 1832, et traduit par Charles Baudelaire en 1865, « La chute de la maison Usher », paru en 1839, et traduit en 1865, et enfin « Le duc de l’omelette », paru en 1832, et traduit par Félix Rabbe en 1887. Comme leur nom l’indique, ces contes sont bizarres, et vont du gothique au fantastique ou à l’absurde-grotesque.

Metzengerstein

C’est l’histoire de deux familles, les Metzengerstein et les Berlifitzing, qui se haïssent depuis des générations, quelque part au centre de la Hongrie où existait à l’époque une croyance bien établie à la métempsychose. Le jeune Frederick, le baron de Metzengerstein, ne voit guère de monde et maltraite sa domesticité. Il a une fascination pour une immense tapisserie exposée dans l’une des salles de son château. Elle représente un cheval gigantesque, monté par un Berlifitzing, que tue un Metzengerstein d’un coup de poignard. Une nuit les écuries du château Berlifitzing prennent feu. Personne ne doute que le jeune baron en soit responsable. Pendant ce temps, Frederick remarque que la tête du cheval immense sur la tapisserie a changé de position, ce qui le remplit d’épouvante. On retrouve ensuite un cheval seul, apparemment échappé des écuries en feu du château Berlifitzig, sûrement sauvé par le vieux comte qui trouva la mort en cherchant à libérer ses chevaux des flammes. Le jeune baron se prend d’un attachement étrange pour ce cheval, et passe ses journées à galoper avec lui, ne voit plus personne, refuse toute vie mondaine. C’est au cours d’une nuit de tempête que le château des Metzengerstein prend feu. Le baron revient au galop vers son château, mais s’abîme avec son cheval dans les flammes. 

Si on doit étudier le Gothique, il faut lire cette histoire, très clairement inspirée des conteurs fantastiques allemands comme Hoffmann. Que Poe ait voulu faire un pastiche d’un conte gothique, ou s’essayer à en écrire un, ou encore moquer les aspects outranciers du gothique, c’est dur à dire, et il est également possible que son intention ait changé avec le temps, ce qui expliquerait la réécriture plus tard de « Metzengerstein ». Mais tous les éléments du gothique y sont : le château, les chevaux, l’aristocrate cruel et à moitié fou, la tapisserie magique où des personnages morts peuvent revenir à la vie, la forêt, des familles rivales allemandes de Hongrie, la Transylvannie, la métempsychose, le style, la vengeance par les flammes…

La Chute de la maison Usher

« La Chute de la maison Usher » est un des contes les plus célèbres d’Edgar Allan Poe, certainement le plus mûr et le plus personnel de ce petit recueil. Au début de la nouvelle, le narrateur est invité à se rendre chez son ami Roderick Usher. Très vite, il remarque l’atmosphère de mélancolie qui règne autour et à l’intérieur de la maison Usher. Et notamment une fissure à peine visible qui semble pourtant avoir gagné toute la maison. Au passage, on trouve là le vrai Poe, l’auteur avec une attention minutieuse du détail, et qui ne laisse rien au hasard, notamment dans le choix de ses métaphores ou analogies (ici la maison, représentation de l’inconscient humain, ou encore réalité derrière la réalité visible et apparente).

En pénétrant dans sa chambre, le narrateur ressent une forte atmosphère de chagrin, qui le déprime profondément. C’est alors qu’il voit Roderick Usher. Il le trouve dans un état de surexcitation et de fébrilité étranges. Roderick lui explique qu’il n’en peut plus, que la folie le gagne. Il attribue sa démence à la mort prochain de Lady Madeline, sa sœur, avec laquelle il entretient une relation intime. Puis Usher lui récite un poème, « Le Palais hanté ». Ensuite tous deux se lancent dans des lectures d’ouvrages ésotériques, tels que le « Belphégor » de Machiavel, dont Bernède emprunta le titre, « le Voyage souterrain de Nicholas Klimm » de Holberg, Campanela. Après quoi Usher apprend au narrateur la mort de Lady Madeline. Ils transportent son corps dans l’un des caveaux de la maison. Quelques temps plus tard, seul dans sa chambre, le narrateur est agité d’une incroyable terreur, mais il est heureusement interrompu par Usher. Celui-ci ne parvient pas plus à trouver le sommeil, et lui montre la tempête à l’extérieur. Le narrateur lui lit alors « Mad Trist » de Canning pour l’apaiser, quand des bruits étranges les arrêtent. C’est alors qu’ils découvrent Lady Madeline, dans son suaire blanc constellé de tâches de sang : elle avait été emmurée vivante. Elle tombe dans les bras de son frère. Le narrateur cette fois s’enfuit de la maison. Derrière lui, les murs de la maison Usher s’écroulent.

Cette fois-ci, on est sortis du Gothique pour s’inscrire résolument dans le Fantastique. « La Chute de la maison Usher » rappelle d’ailleurs Le Horla par certains aspects et Rebecca par d’autres. On y retrouve de nombreux thèmes du Fantastique : la maison, qui a sa vie propre, et qui symbolise la fatalité, le destin, l’inconscient…La résurrection, la folie, décrite encore une fois avec un remarquable niveau de détail par Poe, la tempête, la nuit, et évidemment les thèmes de l’androgynie, de la relation entre frère et sœur, et de leur ressemblance frappante. 

Le Duc de l’Omelette

« Le Duc de l’omelette » est un petit conte de 1832, traduit non pas par Baudelaire mais par Félix Rabbe. Le duc de l’Omelette est un jeune aristocrate français qui mourra d’un plat d’ortolans mal préparés avant sa majorité. Emmené aux enfers, il se plaint et provoque le diable en duel. Afin de regagner sa vie, il joue aux cartes avec le Diable, et gagne. Il revient parmi nous. Alors, pastiche, satire, ou voyage vers l’absurde ?  A vous de juger.

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