Samedi 31 août

Ça a commencé à hurler vers sept heures du matin. Des cris à n’en plus finir. J’avais un goût amer dans la bouche. Comme les relents d’un rêve désagréable. Un goût de métal et de sang.

J’ai coincé ma tête entre deux oreillers, mais ça s’est avéré insuffisant. Qu’on en finisse !

Alors j’ai fini par me lever pour aller voir. Lisa avait commencé à charger la voiture des monceaux d’immondices qui étaient éparpillés dans la maison minuscule. Les gosses allaient pêcher leurs jouets dedans au fur et à mesure, se les balançant de l’un à l’autre en hurlant de rire alors que leur mère tentait un « attention, vous allez réveiller tata Ma » d’un air peu convaincu.

En effet, tata Ma s’est traînée jusqu’à la cuisine pour se faire un café. Pas de pot, le paquet avait déjà été emballé et, celui-là, les monstres ne sont pas allés me le chercher. Je suis retournée fouiller dans ma valise pour extirper un tube d’Efferalgan et j’ai attendu que la tempête passe. Au bout d’un moment, l’orage s’est éloigné, la porte s’est entrebâillée et j’ai vu le visage désincarné de Lisa passer dans l’encadrement.

— Les garçons sont bouclés dans la voiture, on va y aller.

J’ai fait l’effort de me lever du lit où je m’étais rassise. Je ne saurais dire combien de temps avait passé. En tout cas, la maison était vraiment vide cette fois, plus de stormtroopers éparpillés, encore beaucoup de crasse certes, mais plus de monstres. Sur le pas de la porte, je me suis penchée pour lui faire une bise de circonstances. Son visage était entièrement trempé de larmes. Version Cochonou à la plage.

— J’aurais aimé faire quelque chose de plus, tu sais.

Elle a fini par s’en aller. Les garçons m’ont fait des doigts d’honneur par la fenêtre. C’est charmant à cet âge.

J’ai profité un moment du calme retrouvé des lieux. Mais, assez vite, le manque de caféine m’a poussée à sortir.

Le PMU était déjà à moitié plein, et je crois bien que j’étais la seule buveuse de café. J’ai attrapé un exemplaire du Monde qui, contrairement à l’Équipe et à la feuille de chou locale, ne semblait pas avoir encore été ouvert, mais le cafetier m’a interpellée :

— Si vous voulez voir de vraies nouvelles, vous devriez plutôt regarder ça.

Aujourd’hui, même les vieux PMU de village ont leur écran plasma d’un mètre de large. Le visage de la présentatrice du journal de midi s’étalait, plus grand que nature. France 3, ça n’a jamais été mon truc. Et je ne pensais vraiment pas qu’il était déjà si tard. J’ai jeté un regard désabusé au cafetier.

— Ça s’est passé juste en bas de la côte. Les journalistes sont venus ce matin. Entre eux et les gendarmes, ça a été une sacrée matinée. Si seulement je pouvais avoir autant de clients par demi-journée... Ça fait longtemps que j’aurais pu prendre ma retraite !

Il avait l’air tout fier de lui, cet énergumène mal dégrossi. Quelqu’un derrière moi s’est exclamé très fort :

— Là ! Regardez ! On la voit bien, cette salope !

Mon attention s’est reportée sur l’écran juste à temps pour apercevoir un grand sac noir sur un brancard poussé vers une ambulance. Puis l’image a changé brusquement pour passer à l’interview d’un gendarme du coin.

— Juste en bas, je vous dis !