Mardi 3 septembre

En fait, je commence à m’emmerder ferme dans ce trou à rats. Ça fait quoi, trois-quatre jours que je suis là ? Et j’ai encore tout un mois à tirer... Pire qu’une cure de désintox, ce plan.

J’ai passé presque toute la journée à lire. À cette allure, je vais épuiser mon stock de bouquins plus vite que prévu. J’ai fini par sortir ; je m’emmerdais trop. Pas de pot, la cloche a sonné alors que je passais devant l’espace minuscule qui sert de cour d’école. Apparemment, aujourd’hui, c’était la rentrée. Des nuées de gamins m’ont filé entre les jambes. Quelques parents, les yeux brillants, ébouriffaient leur progéniture. Les pères avaient l’air ravis, les mères un peu inquiètes.

Mes jambes ont cessé abruptement leur service et je me suis affalée sur un banc de pierre. Je ne savais même pas qu’il y avait encore une école ici. Et ils se plaignent de la désaffection des campagnes. S’il y a encore une classe dans ce trou, c’est que ça ne doit pas être si terrible.

La maîtresse, une grande rousse, visiblement désabusée, est sortie avec les mômes et s’est dirigée vers le groupe de parents. Apparemment certains garçons ont trouvé malin de faire semblant d’égorger les filles. Ambiance, ambiance. Moi, plutôt que d’emmerder les parents, j’aurais dit aux filles d’aller égorger les garçons, histoire de faire bonne mesure. Mais l’Éducation Nationale n’avait pas trop l’air d’être dans le trip.

Une fois les pains au chocolat avalés et la meute éparpillée, l’enseignante a sorti son paquet de clopes et s’est approchée de moi en me faisant signe qu’elle avait besoin de feu. Je me suis exécutée sans mot dire. Elle s’est assise sur le banc.

— Vous la connaissiez ?

Je lui ai sorti mon meilleur regard apathique.

— Vous savez, celle...

Je me suis allumé une cigarette, moi aussi.

Elle a poursuivi :

— Je l’avais croisée l’autre jour, c’est moche. Surtout pour les enfants.

Je n’ai pas su répondre à de telles platitudes. Après quelques taffes, elle a fini par s’en aller.

Je suis restée sur ce banc-là un bon moment. À dire vrai, je ne sentais toujours pas trop mes jambes alors c’était peut-être pas si mal de rester là. Le Soleil a fini par descendre vraiment et quand il a fait suffisamment frais, je suis remontée jusqu’à la maison. C’est chiant ces villages en côte quand même. J’ai terminé plus essoufflée que cette dinde de Lisa et je me suis affalée sur le canapé. Je crois que j’ai pleuré un peu.