Préface des Éditions de Londres

Les liaisons dangereuses, roman épistolaire de Choderlos de Laclos, publié en 1782, sept ans avant la Révolution, connurent immédiatement un succès de mode. Elles firent également scandale et furent combattues pour la monstruosité des caractères décrits.

Le livre tomba dans l’oubli au XIXème siècle et fut redécouvert au début du XXème siècle et est depuis considéré comme une œuvre majeure du XVIIIème siècle.

Contexte historique

Les liaisons dangereuses sont publiées quelques années avant la Révolution. C’est une époque où la noblesse est mise en question et où, dans ce Siècle des Lumières, les mœurs de la bonne société, dissimulées sous un masque de pudibonderie, sont souvent désordonnées.

Choderlos de Laclos, militaire n’ayant pas connu de guerre, se sent frustré et humilié par la noblesse et par les femmes de la haute société qu’il trouve inaccessibles. Les liaisons dangereuses peut être considérée comme une critique sociale.

Le roman épistolaire est alors à la mode. Les liaisons dangereuses rejoignent dans ce genre la Nouvelle Héloïse de J. J. Rousseau et Clarisse Harlowe de Samuel Richardson.

L’intrigue

Le livre raconte l’émulation perverse entre deux nobles, manipulateurs et libertins, la comtesse de Merteuil et le Vicomte de Valmont, pour dominer leurs victimes et les amener à leur perte : la présidente de Tourvel, Cécile de Volanges et le chevalier Danceny.

C’est une approche intellectuelle de la conquête amoureuse. Valmont et la Marquise maitrisent et manipulent leurs conquêtes. Lorsque Valmont devient amoureux de Mme de Merteuil, il lutte contre son sentiment et le combat par orgueil.

La forme épistolaire, permettant le développement des personnages par l’expression du style épistolaire personnel, donne un rythme particulier au roman et laisse au lecteur se constituer sa propre opinion sur chaque personnage.

On peut penser que la chute des deux principaux protagonistes à la fin du roman a été imposée à Choderlos de Laclos par un souci de moralisation.

Les personnages

La Marquise de Merteuil :

C’est une femme calculatrice et manipulatrice qui veut se jouer des hommes tout en conservant les apparences de la vertu. Elle a été veuve jeune, dispose d’une fortune importante et refuse de se remarier. Elle a eu une liaison dans le passé avec le vicomte de Valmont et, après avoir rompu d’un commun accord, ils sont restés les confidents l’un de l’autre. Leur relation est autant basée sur la concurrence que sur la confiance avec une volonté de domination de la part de la Marquise.

Elle aime à manipuler les hommes et elle jouit de leur désespoir : « Je suis sûre que si j’avais le bon esprit de le quitter à présent, il en serait au désespoir ; et rien ne m’amuse comme un désespoir amoureux. Il m’appellerait perfide, et ce mot de perfide m’a toujours fait plaisir ; c’est, après celui de cruelle, le plus doux à l’oreille d’une femme, et il est moins pénible à mériter. »

Elle veut venger les femmes de la domination des hommes : « Si cependant vous m’avez vue, disposant des événements et des opinions, faire de ces hommes si redoutables les jouets de mes caprices ou de mes fantaisies ; ôter aux uns la volonté, aux autres la puissance de me nuire ; si j’ai su tour à tour, et suivant mes goûts mobiles, les attacher à ma suite ou rejeter loin de moi, si, au milieu de ces révolutions fréquentes, ma réputation s’est pourtant conservée pure, n’avez-vous pas dû en conclure que, née pour venger mon sexe et maîtriser le vôtre, j’avais su me créer des moyens inconnus jusqu’à moi ? »

Mais elle conserve sa respectabilité vis-à-vis de la société. Madame de Volanges la décrit ainsi : « D’abord Mme de Merteuil, en effet très estimable, n’a peut-être d’autre défaut que trop de confiance en ses forces ; c’est un guide adroit qui se plaît à conduire un char entre les rochers et les précipices, et que le succès seul justifie : il est juste de la louer, il serait imprudent de la suivre ; »

Le Vicomte de Valmont :

Le Vicomte de Valmont est un libertin sans morale dont la gloire est de séduire les femmes pour les perdre comme dans un jeu. « Mais de plus grands intérêts nous appellent ; conquérir est notre destin ; il faut le suivre. »

Il est très habile dans ses conquêtes et Mme de Volanges le décrira ainsi : « Sa conduite est le résultat de ses principes. Il sait calculer tout ce qu’un homme peut se permettre d’horreurs sans se compromettre ; et pour être cruel et méchant sans danger, il a choisi les femmes pour victimes. »

Il veut séduire la présidente de Tourvel mais il ne lui suffit pas de l’obtenir, il veut qu’elle se donne : « Pour que je sois vraiment heureux, il faut qu’elle se donne ; et ce n’est pas une petite affaire. » Ailleurs, il dira : « Ah ! qu’elle se rende, mais qu’elle combatte ; que, sans avoir la force de vaincre, elle ait celle de résister ; qu’elle savoure à loisir le sentiment de sa faiblesse, et soit contrainte d’avouer sa défaite. Laissons le braconnier obscur tuer à l’affût le cerf qu’il a surpris ; le vrai chasseur doit le forcer. »

Au début, c’est un jeu, mais il semble qu’il devienne amoureux. Il écrit à Danceny : « je regrette Mme de Tourvel ; c’est que je suis au désespoir d’être séparé d’elle ; c’est que je paierais de la moitié de ma vie le bonheur de lui consacrer l’autre. Ah ! croyez-moi, on n’est heureux que par l’amour. »

Toutefois par orgueil et pour complaire à la Marquise de Merteuil, il rompra brutalement avec elle

Sa relation avec la Marquise de Merteuil est ambiguë, il veut être admiré par elle et n’admet pas qu’elle ne le désire plus : « Dites seulement un mot, et vous verrez si tous les charmes et tous les attachements me retiendront ici, non pas un jour, mais une minute. Je volerai à vos pieds et dans vos bras, et je vous prouverai, mille fois et de mille manières, que vous êtes, que vous serez toujours, la véritable souveraine de mon cœur. »

La Présidente de Tourvel :

C’est une jeune femme de vingt-deux ans fidèle à son mari et heureuse de l’avoir épousé.

La Marquise de Merteuil la juge sans intérêt pour être conquise par Valmont, c’est une femme mariée et une prude : « Et puis, voyez donc les désagréments qui vous attendent ! quel rival avez-vous à combattre ? un mari ! » Et il n’y a pas de plaisir à en attendre : « En est-il avec les prudes ? j’entends celles de bonne foi : réservées au sein même du plaisir, elles ne vous offrent que des demi-jouissances. »

Elle luttera courageusement contre les attaques de Valmont mais finira par lui céder et en deviendra vraiment amoureuse. Lorsque Valmont lui enverra sa lettre brutale de rupture, elle n’aura plus de goût à la vie.

Cécile de Volange :

Cécile est une jeune fille de quinze ans, juste sortie du couvent, destinée à être mariée à un homme qu’elle ne connaît pas. On peut dire d’elle qu’elle « sort du couvent, sans expérience et presque sans idées, et ne portant dans le monde, comme il arrive presque toujours alors, qu’une égale ignorance du bien et du mal. »

Elle est ainsi décrite par la Marquise de Merteuil : « Au reste, l’héroïne mérite tous vos soins : elle est vraiment jolie ; cela n’a que quinze ans, c’est le bouton de rose ; gauche à la vérité, comme on ne l’est point, et nullement maniérée ; de plus, un certain regard langoureux qui promet beaucoup de vérité. »

On ne lui a rien appris des hommes, elle tombe amoureuse de Danceny, le premier jeune homme qu’elle rencontre parce qu’il a l’air malheureux : « Je voudrais bien le consoler ; mais je ne voudrais rien faire qui fût mal. On nous recommande tant d’avoir bon cœur ! et puis on nous défend de suivre ce qu’il nous inspire, quand c’est pour un homme. »

Elle aussi finira par céder à Valmont.

Le chevalier Danceny :

Danceny, chevalier de Malte, est un jeune homme à principes. Il tombe amoureux de Cécile mais veut la respecter et il se laisse séduire avec candeur par la Marquise. Lorsqu’il apprend que Valmont a abusé de Cécile, il le provoque en duel.

Madame de Volanges :

C’est une femme respectable vivant avec les principes de son temps. Elle a arrangé le mariage de sa fille mais quand elle la juge trop malheureuse suite à sa séparation de Danceny, elle serait prête à lui proposer comme époux.

Madame de Rosemonde :

C’est une vieille femme, plus prête à consoler qu’à critiquer. Elle aime beaucoup son neveu, Valmont, bien que connaissant ses travers.

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