Parodos 1

LA HUPPE.

Allons, ma compagne, cesse de sommeiller ; fais jaillir de ta bouche divine les notes des hymnes sacrés ; gémis sur mon fils et le tien, le déplorable Itys, en gazouillements harmonieux, sortis de ton bec agile. Ta voix pure monte à travers le smilax couronné de feuillage, jusqu’au trône de Zeus où Phœbos à la chevelure d’or répond à tes élégies par le son de sa lyre d’ivoire et préside aux danses des dieux ; et de leurs bouches immortelles s’élance le concert plaintif des bienheureuses divinités.

(On entend le son d’une flûte.)

PISTHÉTÆROS.

Ô Zeus souverain ! quelle voix charmante pour un si petit oiseau ! Quelle douceur de miel répandue sur le taillis entier !

EVELPIDÈS.

Holà !

PISTHÉTÆROS.

Qu’y a-t-il ? Te tairas-tu ?

EVELPIDÈS.

Pourquoi ?

PISTHÉTÆROS.

La Huppe prépare de nouveaux chants.

LA HUPPE

(dans le taillis.)

Epopopopopopopopopopoï ! Io, Io ! Venez, venez, venez, venez, venez ici, ô mes compagnons ailés ; vous qui paissez les sillons fertiles des laboureurs, tribus innombrables de mangeurs d’orge, famille des cueilleurs de graines, au vol rapide, au gosier mélodieux ; vous qui, dans la plaine labourée, gazouillez, autour de la glèbe, cette chanson d’une voix légère : « Tio, tio, tio, tio, tio, tio, tio, tio ; » et vous aussi qui dans les jardins, sous les feuillages du lierre, faites entendre vos accents ; et vous qui, sur les montagnes, becquetez les olives sauvages et les arbouses, hâtez-vous de voler vers mes chansons. Trioto, trioto, totobrix ! Et vous, vous encore qui, dans les vallons marécageux, dévorez les cousins à la trompe aiguë, qui habitez les terrains humides de rosée et les prairies aimables de Marathôn, francolin au plumage émaillé de mille couleurs, troupe d’alcyons volant sur les flots gonflés de la mer, venez apprendre la nouvelle. Nous rassemblons ici toutes les tribus des oiseaux au long cou. Un vieillard habile est venu, avec des idées neuves et de neuves entreprises. Venez tous à cette conférence, ici, ici, ici, ici. Torotorotorotorotix. Kikkabau, kikkabau. Torotorotorotorolililix.

PISTHÉTÆROS.

Vois-tu quelque oiseau ?

EVELPIDÈS.

Non, par Apollôn ! pas un ; et pourtant je suis là bouche béante à regarder le ciel.

PISTHÉTÆROS.

Ce n’était guère la peine, ce semble, que la Huppe allât couver dans le taillis, à la façon du pluvier.

LE PHŒNIKOPTÈRE.

Torotix, tororix.

PISTHÉTÆROS.

Mais, mon bon, on s’avance, c’est quelque oiseau qui arrive.

EVELPIDÈS.

Oui, de par Zeus ! un oiseau. Quel est-il ? N’est-ce pas un paon ?

PISTHÉTÆROS.

La Huppe nous le dira. Quel est cet oiseau ?

LA HUPPE.

Ce n’est pas un de ces oiseaux ordinaires comme vous en voyez tous les jours, mais un oiseau de marais.

PISTHÉTÆROS.

Oh ! oh ! il est beau, et d’un rouge phœnikien.

LA HUPPE.

Sans doute ; aussi l’appelle-t-on Phœnikoptère.

EVELPIDÈS.

Ohé ! dis donc, toi !

PISTHÉTÆROS.

Qu’as-tu à crier ?

EVELPIDÈS.

Un autre oiseau que voici.

PISTHÉTÆROS.

Par Zeus ! c’en est effectivement un autre ; il doit être étranger. Quel peut être ce singulier prophète, cet oiseau de montagnes ?

LA HUPPE.

Son nom est le Mède.

PISTHÉTÆROS.

Le Mède ! Oh ! souverain Héraklès ! Comment, s’il est Mède, a-t-il pu, sans chameau, voler ici ?

EVELPIDÈS.

En voici un autre qui a pris une aigrette.

PISTHÉTÆROS.

Quel prodige est-ce là ? Tu n’es donc pas la seule huppe, et il y en a une autre.

LA HUPPE.

Mais celle-ci est née de Philoklès, par la huppe ; et moi, je suis le grand-père de cette dernière : c’est comme si tu disais : « Hipponikos issu de Kallias, et Kallias d’Hipponikos.

PISTHÉTÆROS.

Kallias est donc un oiseau ? Comme il mue !

EVELPIDÈS.

C’est qu’étant généreux, il est plumé par les sykophantes, et les femelles lui arrachent aussi des plumes.

PISTHÉTÆROS.

Ô Poséidon ! voici un autre oiseau de couleurs nuancées : comment l’appelle-t-on ?

LA HUPPE.

Lui ? Le katophagas !

PISTHÉTÆROS.

Il y a donc d’autres katophagas que Kléonymos ?

EVELPIDÈS.

Comment alors se fait-il, si ce n’est pas Kléonymos, qu’il ait perdu son aigrette ?

PISTHÉTÆROS.

Mais cependant que signifie cette affluence d’oiseaux à aigrettes ? Viennent-ils pour le diaulos ?

LA HUPPE.

Ils font comme les Kariens, mon bon, qui habitent les aigrettes de la terre, pour cause de sûreté.

PISTHÉTÆROS.

Ô Poséidon, ne vois-tu pas quelle terrible agglomération d’oiseaux ?

EVELPIDÈS.

Souverain Apollôn, quelle nuée ! Iou ! Iou ! Leurs ailes étendues ne laissent plus voir l’entrée.

PISTHÉTÆROS.

Voici la perdrix, et cet autre, de par Zeus ! c’est le francolin ; puis le pénélops, et celui-ci l’alcyon.

EVELPIDÈS.

Et quel est celui qui vient derrière ?

PISTHÉTÆROS.

Celui-ci ? Le kèrylos.

EVELPIDÈS.

Ce kèrylos est donc un oiseau ?

PISTHÉTÆROS.

Est-ce qu’il n’y a pas Sporgilos ? Voici la chouette.

EVELPIDÈS.

Que dis-tu ? Qui a donc amené une chouette à Athènes ?

PISTHÉTÆROS.

À la suite pie, tourterelle, alouette, éléas, hypothymis, colombe, nertos, épervier, ramier, coucou, rouget, céblépyris, porphyris, kerkhné, plongeon, pie-grièche, orfraie, pivert.

EVELPIDÈS.

Iou! Iou ! Que d’oiseaux !

PISTHÉTÆROS.

Iou ! Iou ! Que de merles ! Comme ils gazouillent, comme ils arrivent à grands cris !

EVELPIDÈS.

Est-ce qu’ils nous menacent ? Oh ! là, là ! Ils ouvrent le bec, ils nous regardent, toi et moi.

PISTHÉTÆROS.

Cela me paraît être ainsi.