-Cinquième lettre-
Sur la religion Anglicane

C'est ici le pays des Sectes. Un Anglais, comme homme libre, va au Ciel par le chemin qui lui plaît.

Cependant, quoique chacun puisse ici servir Dieu à sa mode, leur véritable religion, celle où l'on fait fortune, est la secte des épiscopaux, appelée l'Église Anglicane, ou l'Église par excellence.

On ne peut avoir d'emploi, ni en Angleterre ni en Irlande, sans être du nombre des fidèles anglicans ; cette raison, qui est une excellente preuve, a converti tant de non-conformistes, qu'aujourd'hui il n'y a pas la vingtième partie de la nation qui soit hors du giron de l'Église dominante.

Le Clergé Anglican a retenu beaucoup des cérémonies catholiques, et surtout celle de recevoir les dîmes avec une attention très scrupuleuse. Ils ont aussi la pieuse ambition d'être les maîtres.

De plus, ils fomentent autant qu'ils peuvent dans leurs ouailles un saint zèle contre les non-conformistes.

Ce zèle était assez vif sous le gouvernement des Tories, dans les dernières années de la Reine Anne ; mais il ne s'étendait pas plus loin qu'à casser quelquefois les vitres des chapelles hérétiques ; car la rage des sectes a fini en Angleterre avec les guerres civiles, et ce n'était plus, sous la Reine Anne, que les bruits sourds d'une mer encore agitée longtemps après la tempête.

Quand les Whigs et les Tories déchirèrent leur pays, comme autrefois les Guelfes et les Gibelins, il fallut bien que la religion entrât dans les partis.

 Les Tories étaient pour l'Épiscopat ; les Whigs le voulaient abolir, mais ils se sont contentés de l'abaisser quand ils ont été les maîtres.

Du temps que le comte Harley d'Oxford et milord Bolingbroke faisaient boire la santé des Tories, l'Église Anglicane les regardait comme les défenseurs de ses saints privilèges.

L'assemblée du bas clergé, qui est une espèce de Chambre des Communes composée d'ecclésiastiques, avait alors quelque crédit ; elle jouissait au moins de la liberté de s'assembler, de raisonner de controverse, et de faire brûler de temps en temps quelques livres impies, c'est-à-dire écrits contre elle.

Le ministère, qui est Whig aujourd'hui, ne permet pas seulement à ces messieurs de tenir leur assemblée ; ils sont réduits, dans l’obscurité de leur paroisse, au triste emploi de prier Dieu pour le Gouvernement, qu'ils ne seraient pas fâchés de troubler.

FIN DE L’EXTRAIT

______________________________________

Published by Les Editions de Londres

© 2012— Les Editions de Londres

www.editionsdelondres.com

ISBN : 978-1-908580-01-6