Biographie de l’Auteur

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Diderot (1713-1784) est un écrivain, philosophe et encyclopédiste français. C’est l’un des symboles des Lumières. On l’a déjà dit plusieurs fois. Donc on ne prend pas le lecteur par surprise : aux Editions de Londres, le XVIIIème siècle, on l’adore. C’est l’apogée de la civilisation européenne, de la nation française, les Lumières ce sont l’élégance, la simplicité, le rythme, la grâce, l’optimisme, l’énergie débridée, l’espoir, et enfin une certaine naïveté, qualité nécessaire à ceux qui veulent prendre leur courage à deux mains et changer le monde.

Bon d’accord, on l’admet, si on vit au XVIIIème siècle, on loupe ce qui vient ensuite, et c’est beaucoup : Freud, Einstein, Lévi-strauss, Debussy, Rimsky-Korsakov, et Orwell, Conrad, Céline, et puis le cinéma, tout le cinéma, et l’architecture moderne… D’accord, on ne connaîtra jamais le Siècle des Lumières, mais on pourra toujours en rêver.

Diderot, pour Les Editions de Londres, avec Voltaire, Rousseau, mais aussi Montesquieu et Beaumarchais, c’est le Dix Huitième siècle. Si toutefois nous avons décidé que Voltaire serait en quelque sorte notre parrain, nous considérons que Diderot, c’est encore plus le Dix Huitième siècle. Voilà un jugement bien cavalier, et subjectif, et excessif, avec lequel nous sommes d’ailleurs en désaccord.

Plutôt que de vous embêter avec une biographie que vous trouverez bien mieux faite ailleurs, voici quelques éléments qui permettront de discuter et de débattre de l’assertion précédente : alors, Diderot et Voltaire, Diderot ou Voltaire ?

D’abord, le livre préféré du fondateur des Editions de Londres, et probablement le seul point commun qu’il ait (le fondateur, pas Diderot) avec Milan Kundera, c’est Jacques le Fataliste.

Nous pensons qu’il y a une France avant et après Jacques, de même qu’il existe une France avec ou sans Jacques. De plus, Jacques le Fataliste nous offre un lien avec l’autre livre préféré du fondateur des Editions de Londres, celui de l’Irlandais Laurence Sterne, Vie et opinions de Tristram Shandy. Sterne a inventé le roman moderne, prolongeant l’héritage de Cervantès sur le plan narratif et celui de Rabelais par la truculence. Sterne introduit la technique de narration différée dont s’inspire Diderot par la suite. Il joue avec les limites du roman, faisant de son roman parfois une parodie de roman : changements de ton constants, inventions de toutes sortes (la fameuse page blanche pour que le lecteur décrive le caractère introduit…), digressions constantes, jeux de mots, libertinage du langage… Tristram Shandy est publié en 1767, Jacques le Fataliste en 1784. Cinq ans plus tard, on a la Révolution.

Deuxième point, Diderot fut un des principaux organisateurs et inspirateurs, et concepteurs de l’Encyclopédie. Pas de Dix Huitième siècle sans Encyclopédie. L’Encyclopédie, il y consacrera plus de vingt années de sa vie, mais il sera reconnu pour ses romans, Jacques le Fataliste, Le neveu de Rameau, Le rêve de d’Alembert, Supplément au voyage de Bougainville.

Ensuite, Diderot fut un des plus grands maîtres du dialogue. Il suffit de lire Le neveu de Rameau pour s’en faire une idée. Si Voltaire nous estourbie par sa maîtrise et son rythme narratif, par ses incessants retournements de phrase, il y a en Diderot quelque chose de plus…unique, et de presque plus moderne.

Enfin, Diderot, à la différence de Voltaire, ne sera pas si reconnu de son vivant. Et aux Editions de Londres, on a toujours eu une faiblesse pour les challengers. Il faudra attendre la fin du Dix Neuvième siècle pour que l’on se remette à le lire, et même de nos jours, il passe souvent après Voltaire dans l’esprit des gens qui abordent les Lumières.

Pour toutes ces raisons, c’est Diderot que l’on aime.

J’entends une dernière question : si on privilégie Diderot de justesse par rapport à Voltaire, alors, pourquoi, au moment de la mise en ligne des Editions de Londres, a-t-on cinq ouvrages de Voltaire pour deux livres ou e-books de Diderot ? Non mais franchement, je vous en pose des questions ? D’abord Les Editions de Londres aiment le débat, ensuite, est-ce que je vous demande pourquoi Godard choisit la musique de Beethoven pour son film sur Carmen ?

© 2011- Les Editions de Londres

SUITE DE L’ENTRETIEN ENTRE D’ALEMBERT ET DIDEROT

INTERLOCUTEURS:

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE, BORDEU.

Sur les deux heures le docteur revint. D’Alembert était allé dîner dehors, et le docteur se trouva en tête-à-tête avec mademoiselle de l’Espinasse. On servit. Ils parlèrent de choses assez indifférentes jusqu’au dessert ; mais lorsque les domestiques furent éloignés, mademoiselle de l’Espinasse dit au docteur :

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

Allons, docteur, buvez un verre de malaga, et vous me répondrez ensuite à une question qui m’a passé cent fois par la tête, et que je n’oserais faire qu’à vous.

BORDEU.

Il est excellent ce malaga… Et votre question ?

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

Que pensez-vous du mélange des espèces ?

BORDEU.

Ma foi, la question est bonne aussi. Je pense que les hommes ont mis beaucoup d’importance à l’acte de la génération, et qu’ils ont eu raison ; mais je suis mécontent de leurs lois tant civiles que religieuses.

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

Et qu’y trouvez-vous à redire ?

BORDEU.

Qu’on les a faites sans équité, sans but et sans aucun égard à la nature des choses et à l’utilité publique.

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

Tâchez de vous expliquer.

BORDEU.

C’est mon dessein… Mais attendez… (il regarde à sa montre.) J’ai encore une bonne heure à vous donner ; j’irai vite, et cela nous suffira. Nous sommes seuls, vous n’êtes pas une bégueule, vous n’imaginerez pas que je veuille manquer au respect que je vous dois ; et, quel que soit le jugement que vous portiez de mes idées, j’espère de mon côté que vous n’en conclurez rien contre l’honnêteté de mes mœurs.

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

Très assurément ; mais votre début me chiffonne.

BORDEU.

En ce cas changeons de propos.

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

Non, non : allez votre train. Un de vos amis qui nous cherchait des époux, à moi et à mes deux sœurs, donnait un sylphe à la cadette, un grand ange d’annonciation à l’aînée, et à moi un disciple de Diogène ; il nous connaissait bien toutes trois. Cependant, docteur, de la gaze, un peu de gaze.

BORDEU.

Cela s’en va sans dire, autant que le sujet et mon état en comportent.

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

Cela ne vous mettra pas en frais… Mais voilà votre café… prenez votre café.

BORDEU.

après avoir pris son café.

Votre question est de physique, de morale et de poétique.

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

De poétique !

BORDEU.

Sans doute ; l’art de créer des êtres qui ne sont pas, à l’imitation de ceux qui sont, est de la vraie poésie. Cette fois-ci, au lieu d’Hippocrate, vous me permettiez donc de citer Horace. Ce poête, ou faiseur, dit quelque part : Omne tulit punctum, qui miscuit utile dulci ; le mérite suprême est d’avoir réuni l’agréable à l’utile. La perfection consiste à concilier ces deux points. L’action agréable et utile doit occuper la première place dans l’ordre esthétique ; nous ne pouvons refuser la seconde à l’utile ; la troisième sera pour l’agréable ; et nous reléguerons au rang infime celle qui ne rend ni plaisir ni profit.

MADEMOISELLE DE L’ESPINASSE.

FIN DE L’EXTRAIT

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ISBN : 978-1-908580-27-6