Préface des Éditions de Londres

Le « Voyage au centre de la terre » est un roman de Jules Verne publié en 1864. C’est le deuxième roman des « Voyages extraordinaires » et la cinquième publication de Jules Verne par Les Editions de Londres. Le « Voyage au centre de la terre » raconte l’expédition d’un savant allemand, de son neveu et d’un guide Islandais jusque dans les entrailles de la terre, et leur remontée à la surface. Ce roman est considéré par certains comme le plus grand qu’ait écrit Jules Verne.

Bref résumé

Le professeur Otto Lidenbrock de Hambourg achète un manuscrit original d’une saga islandaise du Douzième siècle de Snori Sturluson, et découvre accidentellement un vieux parchemin écrit en caractères runiques. Au terme de nombreux efforts, Otto et son neveu Axel finissent par le déchiffrer. C’est un message de Arne Saknussem, alchimiste islandais du Seizième siècle, qui prétend avoir découvert un passage à partir du volcan Sneeffels jusque dans le centre de la terre. Axel, le narrateur, finit par accéder aux desiderata de son oncle et le suit dans son expédition, qui doit les amener en Islande à une date bien précise. Pour cela, il abandonne celle qu’il aime, Graüben, sa belle Virlandaise. Les deux hommes arrivent dans un paysage de désolation, curieux, presque lunaire ; et accompagnés de leur guide local, Hans, ils se rendent jusqu’au volcan et y arrivent avant « les calendes de Juillet ». Ils descendent dans le volcan, découvrent une incroyable mer intérieure, une forêt de champignons géants (choix pour notre illustration de couverture originale), assistent à des combats d’animaux préhistoriques entre eux, et finalement, quand ils croient mourir de faim, sans espoir de remontée, une éruption volcanique les ramène à la surface, les faisant ressortir par le volcan Stromboli en Italie. Ils ne seront pas allés jusqu’au centre de la terre. Mais le professeur Lidenbrock devient célèbre et Axel épouse Graüben.

Le plus grand roman de Jules Verne ?

Franchement, beaucoup peuvent prétendre à ce titre, certains déjà publiés comme Le tour du monde en quatre vingt jours, ou De la terre à la lune et d’autres à publier bientôt comme « Michel Strogoff » ou « Vingt mille lieues sous les mers ». Mais « Voyage au centre de la terre », c’est aussi l’un des vingt-sept ouvrages de la mythique bibliothèque du Docteur Faustroll. Alors, pourquoi ? Qu’a-t-il donc de particulier ? Le « Voyage… » est frais, poétique, structuré, et profond (sans jeu de mots) de par les thèmes presque archétypaux auxquels il se réfère : alchimie, décryptage, projet insensé, solitude des hommes scientifiques et aventuriers, folie obsessionnelle d’un homme qui veut changer le monde (Otto Lidenbrock a beaucoup du capitaine Nemo de par sa résolution, son obsession maladive, puisqu’il n’hésitera pas à risquer sa vie et celle des autres), mais aussi découverte d’autres mondes disparus, engloutis dans la mémoire et dans les entrailles de la terre.

Le « Voyage… » obéit aussi à une structure narrative qui nous semble presque parfaite, quel que soit le côté « invraisemblable » de la chute, ici la remontée à la surface. Cette structure narrative nous semble aussi familière, parce qu’elle est quasi cinématographique.

La langue de Verne confine aussi à la poésie ; n’en déplaisent aux germanopratins contempteurs du Nantais (la France, civilisation universelle selon les prétendants aux élections, ne reconnaît pas l’un de ses auteurs vraiment universels, phénomène assez unique au monde…) : « Cependant la pluie forme une cataracte mugissante devant cet horizon vers lequel nous courons en insensés. Mais avant qu’elle n’arrive jusqu’à nous le voile de nuage se déchire, la mer entre en ébullition et l’électricité, produite par une vaste action chimique qui s’opère dans les couches supérieures… »

La machine à remonter le temps

Le « Voyage… », c’est aussi une machine à remonter le temps. L’idée de Verne est géniale : il existe quelque part une évolution arrêtée, là où le monde en est resté à une phase préhistorique avec des forêts de champignons géants, des grottes de cristaux, une mer intérieure (« C’était comme une aurore boréale, un phénomène cosmique continu, qui remplissait cette caverne capable de contenir un océan ») ; on découvre un ichtyosaurus et un plesiosaurus se battant au milieu de cette mer intérieure qui s’étend à perte de vue et est sujette aux tempêtes. Ainsi, nous vivons à la surface, à une certaine époque, produits de l’évolution, mais l’astre que nous habitons obéit à des dimensions temporelles distinctes, et quelque part au fond des entrailles de la terre réside le mystère des origines. Le « Voyage au centre de la terre » est un voyage vers l’origine, vers la source du temps, vers le temps originel. C’est probablement cette succession d’ambiances sombres, noires, irréelles, qui évoquent un peu les couleurs des premiers épisodes de Star Trek, rouges, orangés, dorés, bleu nuit, qui confèrent à ce livre, en dépit de son Happy End, cette stature, cette profondeur, cette poésie angoissante et dramatique qui plurent tant à Jarry et inspirèrent des générations de lecteurs, d’écrivains et de cinéastes.

A la recherche des origines

C’est bien à une recherche des origines que se livre le lecteur du « Voyage au centre de la terre ». Il y a dans cette quête folle une dimension mystique, presque religieuse, un retour en arrière vers un temps pré-humain, qui évoque aussi les mythes de l’engloutissement, et la purification par l’eau, si ce n’est qu’encore une fois le génie de Verne fut ici de substituer à l’eau le feu et de transformer ce qui dans l’imaginaire populaire était autrefois associé à l’enfer en une sorte de monde arrêté, figé dans le temps, mais monde malgré tout pur et innocent, purifié par cette combinaison d’eau et de feu, et où les humains (à commencer par l’alchimiste Saknussem, dont on ne sait rien après son voyage…) sont indésirables ; la remontée des trois hommes à la surface, est-ce un hasard ou la volonté des forces telluriques ?

L’influence de l’autre « Voyage »

Elle est multiple. Est-ce que le « Voyage… » a inspiré Conan Doyle avec Le monde perdu ? Et ainsi tout l’imaginaire cinématographique, de King Kong à Jurassic Park ? Mais ce sont évidemment les thèmes, et la linéarité des enchaînements qui ouvrent les yeux : scientifique tombe sur vieux grimoire par hasard, vieux grimoire contient lui-même un secret, ce secret renvoie à un autre scientifique dont on ne savait à ce jour pas les secrets, nouveau document, en caractères mystérieux, de plus message crypté, expédition se prépare, scientifique devient aventurier, accompagné de gens hétéroclites, nombreux retournements de situation, fil conducteur mystérieux (ici la boussole désorientée), etc… Bien sûr, vous l’aurez reconnu, c’est Tintin, et c’est évidemment aussi Les aventuriers de l’arche perdue ! Et une bonne partie de la cinématographie d’aventures dite hollywoodienne…En cela, l’autre « Voyage… » nous semble être l’un des livres les plus influents que connaisse Hollywood ? Nul doute donc que ce « Voyage… » n’intéresse pas beaucoup Paris… Jarry ne s’était pas trompé : le « Voyage au centre de la terre » est une lecture essentielle.

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