Préface des Editions de Londres

On ne peut comprendre Candide, ou l’Optimisme, paru en 1759, sans comprendre les évènements qui le précèdent, surtout le tremblement de terre de Lisbonne, en 1755, et la guerre de sept ans, à laquelle le conte fait la part belle.

« Presque toute l’histoire est une suite d’atrocités inutiles », écrit Voltaire. Si l’on se réfère au contexte du XVIIIème siècle, on peut affirmer que, s’il avait vécu à notre époque, Voltaire aurait été un farouche athée. Ou l’aurait-il été par esprit de contradiction ? Le tremblement de terre de Lisbonne n’a pas aidé. C’est le plus terrible séisme que connut l’Europe moderne. En pleine époque de remise en cause du rôle de Dieu dans la félicité humaine, les cinquante à cent mille victimes dues au séisme (et les incendies, le tsunami qui suivirent) sont assez inexplicables. Pourquoi tant de colère divine vis-à-vis de ces pauvres Portugais ? Pourquoi tant de haine ? Comme le dit Adorno : « Le tremblement de terre de Lisbonne suffit à guérir Voltaire de la théodicée de Leibniz. ». Adorno et d’autres vont plus loin en rapprochant le tremblement de terre de Lisbonne et l’Holocauste, en ce sens que ces deux évènements exercèrent une influence si traumatisante sur la conscience européenne qu’elles en bouleversèrent la vision du monde, et la destinée.

Selon les exégètes de Voltaire, encore eux, Voltaire aurait envoyé son Poème sur le désastre de Lisbonne à Rousseau, remettant en question le rôle de Dieu. Rousseau aurait répondu en essayant de justifier le rôle de la Providence. Candide serait une réponse à cette lettre. Le « Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes » de Pangloss existe déjà dans son ébauche avec le « Tout est bien » du Poème.

Quant à la Guerre de Sept ans, c’est un conflit majeur opposant la France à la Grande Bretagne, la Prusse à l’Archiduché d’Autriche. Le conflit s’étend sur plusieurs champs d’opérations (Canada, Inde…). A la suite du conflit, l’Empire colonial Britannique décolle, le premier Empire colonial français s’effondre. Voltaire était pris d’admiration pour la Prusse de Frédéric II. On peut imaginer qu’il souffre de voir l’Allemagne ravagée par des armées de pillards sanguinaires.

Candide est une remise en cause de la Providence, une profession de non-Foi. Candide ou l’Optimisme est donc une critique finale, féroce de l’optimisme. Ce qui pourrait maintenant nous sembler assez peu original était profondément nouveau à l’époque. En cela, Candide constitue l’un des plus grands jalons de la culture européenne. De nos jours, Candide est l’œuvre la plus lue de Voltaire. Et le point d’entrée à son œuvre.

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