Préface des Éditions de Londres

Don Quichotte, dans son titre complet, L’ingénieux hidalgo don Quichotte de la Manche, et dans son titre original El ingenioso hidalgo don Quijote de la Mancha est le roman écrit par l’Espagnol Miguel de Cervantès. La première partie fut publiée en 1605 et la deuxième en 1615.

Contrairement aux autres œuvres de Cervantès, don Quichotte eut un succès immédiat, avec aussi beaucoup de détracteurs, dès sa parution. C’est aujourd’hui un des piliers de la littérature espagnole et européenne.

Un peu après Montaigne et Rabelais en France, Cervantès tourne le dos au roman médiéval pour créer la littérature moderne.

Cervantès fait un pastiche des livres de chevalerie qui étaient alors en vogue en critiquant leur invraisemblance et leur mauvaise influence sur les mœurs. Mais cela n’aurait pas suffi pour maintenir sa notoriété à travers les siècles. C’est aussi une satire intemporelle des mœurs étriquées de la société, nous entraînant dans une lutte onirique pour atteindre l’idéal que chacun porte en soi. Cervantès se met en scène dans don Quichotte, il veut se rendre justice à lui-même contre l’ingratitude de ses contemporains qui l’ont laissé simple soldat et pauvre.

Contexte historique

L’époque de Cervantès est l’époque de la puissance de l’Espagne qui a conquis les Amériques et qui se bat à travers l’Europe, en particulier contre les Ottomans afin d’en limiter l’expansion.

Don Quichotte participera à ces guerres comme soldat valeureux ; il fut un héros de la victoire de Lépante contre les Ottomans.

C’est la fin des romans de chevalerie et d’amour courtois qui commença avec les romans de la table ronde au XIIè siècle et qui furent particulièrement en vogue en Espagne.

Les personnages

Don Quichotte est atteint d’une folie monomaniaque au sujet des actes de chevalerie errante. En dehors de ce sujet, ses réflexions sont tout à fait sensées. Il vit de son rêve et mourra quand il devra rentrer chez lui. Don Quichotte en se faisant chevalier errant a choisi « d’être fidèle à Dieu et à sa dame, chaste dans ses pensées, discret dans ses discours, généreux, vaillant, charitable envers les malheureux, et enfin, combattant de la vérité, même si sa défense devait lui coûter la vie. »

Sancho est un lourdaud mais plein de bon sens. Il admire et aime son maître et participe à sa folie. Il est intéressé par les avantages qu’il peut tirer des aventures et attend avec impatience d’être gouverneur d’une île comme le lui a promis don Quichotte.

Résumé de la première partie de don Quichotte

Le pauvre hidalgo Alonzo Quijada s’ennuie dans sa campagne de la Mancha et rêve d’idéal. Il lit tous les romans de chevalerie et pour atteindre à la même renommée que les héros de ses lectures, il décide de s’identifier à eux pour aller redresser les torts et lutter contre les injustices dans la Mancha. Il prend le nom de don Quichotte, se revêt de son armure, monte sur son cheval Rossinante, identifie sa bien-aimée Dulcinée à une bergère des environs et très vite se fait seconder par un écuyer, le fidèle Sancho Panza qui s’associe à la folie de son maître

Don Quichotte va accomplir de nombreuses actions rocambolesques qui le font prendre pour un fou, mais sa folie réside uniquement dans son idée fixe et sa rêverie, il vit ses livres mais se comporte de façon sensée et peut attirer l’admiration de ses interlocuteurs par sa conversation.

Les principales aventures qui lui arrivent dans la première partie sont les suivantes :

Lors de sa première sortie, il arrive dans une auberge qu’il prend pour un château, il assomme deux muletiers pendant sa veillée d’armes et il se fait consacrer chevalier dans les formes traditionnelles par l’aubergiste qu’il prend pour le seigneur du château.

Il décide de retourner chez lui pour mieux s’équiper et trouver son écuyer Sancho Panza. En chemin, il veut défendre un jeune berger que son maître est en train de battre. Il a tellement confiance en la parole donnée qu’il s’en va sur la promesse du maître d’indemniser son berger. Dès qu’il s’est éloigné, le maître bat d’autant plus le jeune homme.

Voyant une troupe de marchands, il les prend pour des chevaliers ennemis, se précipite sur eux mais son cheval trébuche et il est roué de coups. Il est ramassé par un homme de son village et ramené, tout meurtri, chez lui.

Pendant qu’il se remet, ses amis, le barbier et le curé, veulent lui faire oublier sa folie et, pour cela, brûlent tous ses livres de chevalerie puis murent le cabinet de lecture et lui font croire qu’il a été enlevé par un enchanteur hostile.

Don Quichotte repart, accompagné de Sancho Panza sur son âne. Ils rêvent ensemble d’exploits et de conquêtes et don Quichotte promet à Sancho de lui trouver le plus vite possible une île dont il le fera gouverneur.

Leur première aventure est la lutte contre les moulins à vent que don Quichotte prend pour une armée de géants. Il se jette dessus malgré les recommandations de Sancho et se retrouve avec Rossinante, happés par une aile de moulin. Il reconnaît ensuite qu’il s’agit bien de moulins et qu’un enchanteur a dû changer les géants en moulins.

Leur aventure suivante est la lutte contre le biscayen. Voyant un carrosse transportant une dame, entouré d’hommes en armes, il est persuadé que la dame est emmenée prisonnière et veut la délivrer. Dans cette aventure, il sera victorieux du biscayen qu’il laisse au sol, mais sera lui-même blessé à l’oreille.

Le soir, don Quichotte et Sancho s’arrêtent près d’une cabane de chevriers qui les invitent à leur veillée. Don Quichotte est enthousiasmé par la vie naturelle et rêve de l’âge d’or ou tout le monde partageait tous les biens.

Puis, invité par les chevriers, don Quichotte va assister à l’enterrement de Chrysostome, le berger poète qui s’est tué d’amour pour la belle Marcelle.

L’aventure suivante est la bataille avec les muletiers yangois, causée par Rossinante. Celui-ci s’étant approché des juments appartenant aux muletiers, est battu par les muletiers. Don Quichotte voulant le défendre sera lui aussi roué de coups ainsi que Sancho.

Arrivant péniblement à se relever, don Quichotte et Sancho arrivent dans une hôtellerie que don Quichotte prend pour un château. Ils sont soignés par l’hôtelière, sa fille et leur servante difforme. Ils peuvent coucher dans un grenier où dort aussi un muletier. Quand la servante arrive pour rejoindre le muletier, don Quichotte croit que c’est une princesse qui vient le rejoindre, il l’agrippe et c’est l’occasion d’une bataille générale qui encore une fois laissera don Quichotte et Sancho tout meurtris.

Pour se soigner, don Quichotte fabrique le baume de Fierabras. Il en boit une rasade et retrouve sa forme. Sancho essaye aussi, mais cela le rend complètement malade, le baume n’étant efficace que pour les chevaliers errants.

Don Quichotte refuse de payer l’hôtelier, les chevaliers errants devant toujours être reçus gratuitement. Il arrive à partir, mais Sancho est retenu et subit le sort des mauvais payeurs, il est berné, c’est-à-dire jeté en l’air avec une couverture.

L’aventure suivante est la lutte contre deux grandes armées, en fait deux troupeaux de moutons. Don Quichotte décrit à Sancho tous les héros qu’il voit dans ces armées alors que Sancho ne voit que des moutons. Puis il se précipite au milieu de la troupe et tue quelques moutons. Les bergers lui lancent des pierres et le laissent allongé par terre.

L’aventure suivante est la rencontre de nuit avec le convoi mortuaire. Don Quichotte pense que la litière transporte un chevalier mort ou blessé et veut le venger. Il se précipite sur la troupe et jette à terre l’un des ecclésiastiques du convoi, les autres s’enfuyant. Apprenant que le mort est mort de maladie, il ne se sent plus concerné. Sancho en profite pour récupérer un grand sac de provisions.

L’aventure suivante est celle des moulins à foulon. Dans la nuit, don Quichotte et Sancho entendent des grands bruits. Don Quichotte pense aussitôt à un exploit à réaliser, mais Sancho, mort de peur, le retient toute la nuit. Ce n’est qu’au matin qu’ils constateront qu’il ne s’agit que de moulins à foulon.

Continuant sa route, don Quichotte voit un barbier sur son âne qui a mis sur sa tête son plat à barbe doré pour se protéger de la pluie. Don Quichotte pense qu’il s’agit d’un chevalier qui a volé le casque de Mambrin. Il se jette sur l’homme qui s’enfuit en abandonnant son plat et son âne. Don Quichotte récupère le plat, casque de Mambrin, et Sancho récupère le harnais de l’âne.

Puis don Quichotte croise une chaîne d’hommes conduits aux galères. Il les interroge sur les raisons de leur condamnation, puis, convaincu que l’on ne doit pas contraindre des hommes contre leur volonté, il décide de les libérer et met les gardes en déroute. En remerciement, les forçats dévalisent don Quichotte et Sancho et leur jettent des pierres. S’étant réfugiés dans la montagne, la nuit, Sancho se fait voler son âne par l’un des forçats qui s’est réfugié là aussi.

Dans la montagne, don Quichotte trouve une valise comportant une grosse somme d’argent. Don Quichotte cherche son propriétaire et aperçoit un homme dans la montagne. Il retrouve cet inconnu qui raconte son histoire d’amour. À cause d’une mauvaise allusion de l’inconnu à la reine Madrasine, don Quichotte se met en colère ce qui déclenche la folie de l’inconnu qui le roue de coups.

Don Quichotte décide de faire retraite dans la montagne à l’image d’Amadis de Gaule et il envoie Sancho porter une lettre à Dulcinée.

Sancho ne portera jamais la lettre qu’il a oublié de prendre. Il rencontre en chemin le barbier et le curé, amis de don Quichotte. Le curé propose d’essayer de faire revenir don Quichotte en se déguisant en noble dame pour lui demander son secours.

Tous les trois se mettent en route pour rejoindre don Quichotte. Au pied de la montagne, ils décident d’envoyer Sancho en premier pour tenter de faire revenir son maître. Pendant ce temps, le curé et le barbier rencontrent Cardénio, l’inconnu de la montagne qui finit de raconter son histoire et son amour pour Luscinde qui a été forcée de se marier avec don Fernand.

Le curé et le barbier rencontrent ensuite Dorothée, déguisée en berger, à qui don Fernand avait promis sa foi. Elle raconte son histoire et pourquoi elle s’est enfuie dans la montagne. C’est finalement Dorothée qui jouera le rôle de la dame demandant son secours à don Quichotte.

Sancho étant revenu, ils vont tous, déguisés, retrouver don Quichotte qui promet aussitôt son aide et décide de les suivre. Dorothée raconte une histoire imaginaire de la princesse Micomicona dont le royaume a été pris par un géant. Une prédiction lui avait dit qu’il fallait alors qu’elle aille trouver le chevalier don Quichotte avec lequel elle devrait se marier.

Toute la troupe s’arrête dans l’hôtellerie où Sancho s’était fait berner. Dans la nuit, don Quichotte se croit transporté dans le royaume de la princesse Micomicona. Il veut tuer le géant et se bat contre les outres de vin de l’hôtelier. Il est persuadé d’avoir vu rouler la tête du géant par terre.

À l’hôtellerie, l’histoire de Cardénio et celle de Dorothée vont bien se terminer. Il arrive des cavaliers accompagnant une dame voilée. C’est Luscinde, dont Cardénio est amoureux, et don Fernand, dont Dorothée est amoureuse. Don Fernand est ému par les pleurs de Dorothée et lui redonne sa foi et il laisse Luscinde avec Cardénio.

Arrive ensuite à l’hôtellerie un homme qui a l’air d’un captif chrétien accompagné d’une femme habillée en Mauresque : Zoraïde. On apprend que l’homme a pu s’échapper d’Alger avec l’aide de Zoraïde qui veut devenir chrétienne et veut vivre en pays chrétien. Le retour d’Alger s’est fait avec beaucoup de péripéties et tous leurs trésors ont été pillés par des pirates.

Arrivent ensuite à l’hôtellerie un auditeur et sa fille Claire. C’est en fait le frère du captif qui va pouvoir s’en occuper.

On entend chanter durant la nuit à l’extérieur de l’auberge et l’on apprend que c’est le voisin de Claire à Madrid qui en est amoureux et dont elle est amoureuse. Des hommes sont à sa recherche pour le ramener à Madrid. Mais finalement le jeune homme pourra suivre Claire et son père.

Don Quichotte est resté éveillé pendant la nuit pour monter la garde, mais la fille de l’hôtelier et la servante lui font une farce. Elle l’appelle d’une fenêtre en lui demandant de tendre sa main. Il doit se dresser sur Rossinante pour atteindre la fenêtre. Alors la fille lui attache la main, Rossinante s’écarte et il reste suspendu jusqu’au matin.

Arrive enfin à l’hôtellerie le barbier auquel don Quichotte a pris le plat à barbe et Sancho le harnais. Il veut les récupérer, mais don Quichotte affirme que c’est le casque de Mambrin et non un plat à barbe. Il y a finalement une bagarre générale. Cela s’arrangera quand le curé indemnisera le barbier.

Il y a aussi à l’hôtellerie des archers de la Sainte Hermandad dont l’un se rappelle qu’il a un mandat d’amener contre don Quichotte pour avoir libéré les forçats. Le curé arrive à le persuader que don Quichotte est atteint de folie et qu’il ne peut donc pas rester en prison.

Pour finir le voyage jusque chez don Quichotte, le curé a décidé de l’enfermer dans une cage en faisant croire que c’est un enchantement et de l’emmener ainsi sur un char à bœufs.

Lors d’une pause sur le retour, apparaît un chevrier, amoureux de Léandra qui s’est éprise d’un autre. Depuis il reste dans la montagne avec ses chèvres auxquelles il parle. Don Quichotte ayant été traité de fou par le chevrier se bagarre avec lui.

Une dernière aventure avant son retour à la maison arrive à don Quichotte lors de cette pause. C’est une troupe de pèlerins que don Quichotte prend pour des brigands ayant enlevé une dame. Il se jette sur eux la lance en avant, mais prend un grand coup de fourche qui le jette à terre inconscient. Quand il reprend conscience, il accepte de rentrer chez lui sur le char à bœufs.

Les thèmes abordés

Le thème directeur de don Quichotte est la critique des livres de chevalerie. Les romans de chevalerie étaient très appréciés en Espagne du temps de Cervantès. Mais on leur reprochait d’éloigner les jeunes de l’étude de l’histoire et de leur servir de modèles dans leur langage et leurs actions. Les moralistes cherchaient à les faire interdire. Cervantès, lui, choisit de lutter contre la littérature chevaleresque par la dérision et la satire en écrivant un livre sur un chevalier errant illuminé.

C’était bien une volonté délibérée pour Cervantès de faire la critique des livres de chevalerie puisqu’il fait dire à son ami dans la préface : « Mais, il me semble, en vérité, que votre ouvrage n’a aucun besoin de ce que vous dites lui manquer, puisqu’en fin de compte vous n’avez voulu faire qu’une satire des livres de chevalerie. »

Don Quichotte marqua effectivement la fin des livres de chevalerie. Il n’y en eut pas d’autres écrits par la suite et ceux existants cessèrent rapidement d’être réimprimés.

Don Quichotte est un roman moderne écrit en espagnol et non en latin. Comme Rabelais et Montaigne, Cervantès utilise les techniques du dialogue, il fait parler l’auteur. C’est un livre également délibérément profane contrairement à beaucoup d’autres de l’époque, on lit dans la préface : « Tant de vos confrères mêlent le sacré et le profane, mélange coupable et indécent que doit sévèrement réprouver tout esprit vraiment chrétien. »

Cervantès voulait également faire un livre de distraction qui plaise au lecteur sans tomber dans la simplicité des romans de chevalerie : « Tâchez surtout qu’en vous lisant, le mélancolique ne puisse s’empêcher de rire, que l’ignorant s’instruise, que le connaisseur admire, que le sage se croie tenu de vous louer. »

Il sait écrire des descriptions pleines de poésie, comme cette description de Dulcinée : « Ses cheveux sont des tresses d’or, ses sourcils des arcs-en-ciel, ses yeux deux soleils, ses joues des roses, ses lèvres du corail, ses dents des perles, son cou de l’albâtre, son sein du marbre, et ses mains de l’ivoire : par ce qu’on voit, on devine aisément que ce que la pudeur cache aux regards doit être sans prix et n’admet pas de comparaison. »

Cervantès exalte l’héroïsme et la vertu et fait une critique des mœurs libres de son temps. Il critique en particulier le manque de respect vis-à-vis des femmes : « Tandis qu’aujourd’hui, dans ce siècle détestable, aucune n’est en sûreté, fût-elle cachée dans un nouveau labyrinthe de Crète ; partout pénètrent les soins empressés d’une galanterie maudite, qui les fait succomber malgré leur retenue. C’est pour remédier à tous ces maux que, dans la suite des temps, la corruption croissant avec eux, fut institué l’ordre des Chevaliers errants. »

Cervantès défend le métier des armes plutôt que le métier de l’administration : « Qu’on ne vienne donc pas soutenir devant moi que les lettres l’emportent sur les armes, ou je répondrai à celui-là, quel qu’il soit, qu’il ne sait pas ce qu’il dit. » Le métier des armes n’est pas seulement physique mais nécessite autant de réflexion que la justice : « Comme si le général qui commande une armée en campagne et qui défend une place assiégée, n’avait pas encore plus besoin de vigueur d’esprit que de force de corps ! »

Cervantès lutte contre l’obscurantisme et la sorcellerie : « Je sais bien qu’il n’y a ni charmes ni sortilèges au monde qui puissent influencer la volonté, comme le pensent beaucoup d’esprits crédules. Nous avons tous pleinement notre libre arbitre, contre lequel plantes et enchantements ne peuvent rien. »

Notre édition

Notre édition s’appuie sur les traductions de Viardot, très érudite, et de Furne, plus élégante, desquelles nous avons tenté de reprendre le meilleur afin de proposer au lecteur une traduction la plus rigoureuse possible avec une qualité d’écriture permettant une lecture plaisante.

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