Chapitre II

Le château de Lavaur est occupé par les hérétiques, longtemps avant l’arrivée des Croisés.

Je parlerai ensuite d’un château voisin, celui de Lavaur où le Diable avec les hérétiques avait établi sa demeure, et dont Satan s’était fait un temple. En l’an 1170, un Cardinal[Note_7], envoyé de Rome par le Souverain Pontife, l’assiégea et contraignit à se rendre les hérétiques qui l’occupaient. Deux de leurs chefs abjurèrent : l’un, Bernard de Raymond devint chanoine à la cathédrale de Saint-Étienne à Toulouse, et l’autre au monastère de Saint-Saturnin. – Je me souviens que, dans mon enfance, j’entendis souvent désigner ce chanoine de la cathédrale, sous le nom de Bernard de Raymond l’Arien, et quand il était question de lui, je me suis toujours rappelé que je l’avais vu.

Tout cela se passa bien longtemps avant que l’armée des Croisés apparût devant Béziers ; je me sers de ces faits comme d’une entrée en matière, et pour montrer que Dieu ne s’endormit pas sur la dépravation de Lavaur, même avant l’arrivée des Croisés.

Lorsque de Bonfils, seigneur de Lavaur, voulut s’approprier ce domaine en entier, il fit venir auprès de lui ses deux neveux, enfants de son frère, en feignant d’être malade et en leur promettant des figues de primeur, et il les tua en traître dans sa chambre. Mais le même jour, ses projets furent déçus, et le glaive lui fit subir la peine du talion.

Cependant, malgré tout ce que j’ai rapporté, la fièvre de l’hérésie ne perdait rien de sa violence : elle gagnait de proche en proche et devenait plus forte en divers lieux, comme la suite le démontrera. Partout, le fléau de la vengeance divine la suivit pas à pas.

Pour mettre un peu d’ordre dans mon récit, je crois qu’il est bon de commencer par l’histoire contemporaine des Comtes de Toulouse, et par les faits dont notre époque conserve le souvenir à leur sujet. Ce furent les seigneurs les plus puissants de notre pays, et pour ce qui les concerne, puissé-je ne rien omettre ou du moins peu de choses ; car, c’est par leur négligence ou par leur faute que le mal s’est accru dans le Languedoc. Après que ce mal eut germé en secret, il ne tarda pas à se montrer et à lever la tête : c’est alors qu’ils auraient dû mettre tout leur soin à la couper.