Préface des Editions de Londres

La peine de mort d’Elisée Reclus est un texte tiré d’une conférence faite à Genève en 1879. C’est le deuxième texte d’Elisée Reclus publié par Les Editions de Londres. Elisée Reclus s’adresse à l’Assemblée de Genève, laquelle envisage de rétablir la peine de mort.

Elisée Reclus fait un violent réquisitoire contre la peine de mort. Pour lui, l’origine de la peine capitale, c’est avant tout la vengeance, la haine, l’application sommaire de la loi du talion. Il se demande à qui profite le crime et rappelle que la peine du mort profite surtout aux régimes tyranniques. Il rappelle l’inutilité de la peine de mort et s’insurge contre son injustice. Depuis l’âge de quinze ans, depuis la lecture de Camus, l’équipe des Editions de Londres est clairement et sans hésitation contre la peine de mort. Les Editions de Londres sont résolument abolitionnistes.

La peine de mort, baromètre d’une civilisation

La peine de mort, pour Les Editions de Londres, c’est le baromètre d’une civilisation. Quels que soient ses travers et ses imperfections, une civilisation est plus ou moins développée en fonction de sa position vis-à-vis de la peine de mort. Toutefois, Les Editions de Londres ne sont pas dupes. Elles ont bourlingué, elles connaissent un peu le monde, et savent bien qu’il existe une ribambelle de pays où la peine de mort est officiellement abolie, mais où en réalité, en vertu de ses pratiques (assassinats arbitraires par les autorités, conditions de détention iniques, règlements de compte qui arrangent tout le monde…), c’est comme si elle avait toujours existé. On ne les citera pas, mais ces pays, bien nombreux, se reconnaîtront.

Les conditions carcérales

Le deuxième critère clé qui selon Les Editions de Londres mesure le degré de civilisation, ce sont les conditions carcérales auxquels sont sujets les ressortissants (condamnés) des pays en question. Ces conditions se mesurent selon des critères physiques mais aussi psychologiques. EDL consacrera dans le futur bien des ouvrages à la question. En attendant d’en lire d’autres, lisez Au bagne.

Le système de justice

Le troisième critère clé de civilisation, c’est le système de justice. EDL s’intéresse beaucoup au sujet, et vous livre L’affaire Dreyfus.

La France et la peine de mort

Sans même s’appesantir sur ce que Les Editions de Londres pensent du passif du pays des Droits de l’homme et des libertés en matière du deuxième (Au bagne) et du troisième critère (L’affaire Dreyfus), la France ne fait pas bonne figure sur l’échelle de la peine de mort. Abolie en 1981 sur l’initiative de Robert Badinter et de François Mitterrand, ce sera l’héritage du parti socialiste français, et pas celui des hommes de droite, Giscard d’Estaing (il est contre l’abolition à l’époque) et Jacques Chirac (il est personnellement contre la peine de mort, mais n’est pas prêt à l’abolir ; en revanche il vote l’abolition en 1981). La France est alors l’avant-dernier pays d’Europe de l’Ouest à l’abolir. Pourtant, deux ans après la Révolution, en mai 1791 a lieu le premier débat sur la peine de mort. Le rapporteur, Louis-Michel Lepeletier de Saint Fargeau, propose son abolition pure et simple. Des tentatives infructueuses ont lieu avant l’arrivée au pouvoir de Napoléon Bonaparte. D’autres tentatives d’abolir la peine de mort échouent pendant la première moitié du Vingtième siècle. Toutefois, et nous en sommes fiers, nombreux sont les écrivains français (EDL n’aime pas le mot « intellectuels ») qui s’insurgent régulièrement : Hugo, Reclus, Camus…

Aujourd’hui, on peut toutefois s’inquiéter, car le retour de la criminalité sur la place publique, conjugué à la diabolisation de la mouvance terroriste, donne des ailes à certains de nos gouvernants occidentaux faustiens, qui donneraient leur âme pour quelques voix. Aux Etats-Unis, comme on le sait, la peine de mort reste un scandale d’Etat. Et les abolitionnistes ont reculé depuis les années soixante-dix. En France, des voix se font toujours régulièrement entendre pour réclamer son rétablissement dans des circonstances exceptionnelles…. Et puis, Les Editions de Londres s’inquiètent de la tolérance que manifestent certains vis-à-vis de la peine de mort des autres. Ainsi, que dirent Tony Blair et Gordon Brown lors de l’exécution de Saddam Hussein ? Rien de bien joli.

La peine de mort, on ne peut pas être contre « sauf quand… ». On est contre. C’est tout.

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