Biographie de l’Auteur

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Maurice Leblanc (1864-1941) est né à Rouen et mort à Perpignan. C’est un auteur de romans policiers, d’aventures et d’anticipation. On le connaît surtout pour la création du personnage d’Arsène Lupin, l’un des personnages les plus célèbres, les plus populaires et les plus représentatifs d’un certain esprit français. Pour Les Editions de Londres, Lupin est bien l’héritier d’une tradition qui commence avec D’Artagnan, celle de personnages savoureux, insolents, chevaleresques et qui affrontent l’autorité sans pour autant chambouler l’ordre social.

Brève biographie

Maurice Leblanc naît à Rouen dans une famille bourgeoise (de père armateur) de même que Jules Verne naît dans une famille d’armateurs nantais. La Normandie tient un rôle essentiel dans toute l’œuvre de Maurice Leblanc, et dans celle de son héros, Arsène Lupin. Ainsi, il aura une maison à Etretat, avec sa fameuse aiguille, laquelle revient dans de multiples nouvelles et romans mettant en scène le gentleman-cambrioleur, et tient même le rôle éponyme dans L’aiguille creuse.

La maison paternelle brûle quand il a quatre ans et il échappe aux flammes de justesse. Au moment de la guerre de 1870, il a six ans, et ses parents l’envoient en Ecosse. Il revient un an plus tard. Adolescent, il fréquente Gustave Flaubert, normand comme lui. Adulte, il travaille sans joie dans une fabrique de cardes, et il y passe son temps à écrire : c’est ce qui le fascine. Plus tard, il avoue à son père son dégoût pour les cardes, son envie d’écrire, et il part pour Paris pour tenter sa chance. Il existe un précédent familial puisque sa sœur, Georgette Leblanc, est une tragédienne célèbre qui y connut la renommée.

A Paris, il devient journaliste, écrit au Gil Blas, au Figaro…Il écrit aussi des nouvelles, est remarqué par Léon Bloy, par Jules Renard, se lance dans l’écriture de quelques romans, jusqu’à ce qu’il fasse connaissance de l’éditeur Pierre Lafitte, lequel lui donne l’idée d’un personnage qui serait l’équivalent français de Raffles, le gentleman-cambrioleur inventé par Ernest William Hornung, le pendant au déjà fort célèbre Sherlock Holmes de Conan Doyle. Ainsi naît Arsène Lupin dans une nouvelle parue dans « Je sais tout » en 1907, « L’arrestation d’Arsène Lupin ». Les aventures de ce dernier paraîtront chaque mois dans le magazine de Pierre Lafitte, « Je sais tout ». Puis il y aura des romans, et d’autres nouvelles, et des pièces de théâtre.

Maurice Leblanc ne nous lègue pas qu’Arsène Lupin, il est aussi l’auteur de romans de science-fiction, "Le formidable évènement", un roman à la Jules Verne qui imagine le reliment de l’Angleterre à la France par la disparition de la Manche, "Les trois yeux", qui raconte la découverte d’un œil immense caché derrière un pan de mur… A l’instar de Conan Doyle, Leblanc nous a donc laissé des œuvres de science fiction moins célèbres que les aventures de son personnage principal.

L’influence de Maurice Leblanc

Il ne faut pas ramener la création d’Arsène Lupin à une simple œuvre de commande. D’abord, Raffles n’eut jamais en Angleterre la notoriété d’Arsène Lupin en France. De plus, Arsène Lupin n’est pas réductible à une version gallique de Raffles qui bénéficierait d’aventures prolifiques à la Sherlock Holmes. Maurice Leblanc était un radical socialiste et un libre penseur, et c’est important pour cerner la personnalité de son héros, ce que nous nous empressons de faire dans l’article suivant.

L’œuvre de Leblanc inspirera Gaston Leroux et son personnage de Rouletabille, et Souvestre et Allain avec Fantômas. Puis dans les années soixante-dix, nous aurons la série policière qui relancera Arsène Lupin avec Georges Descrières dans le rôle du gentleman-cambrioleur, sur une musique de Jacques Dutronc. Encore de nos jours, Arsène Lupin est notre robin des bois français, un personnage optimiste, à qui tout réussit, et qui lui, contrairement à son créateur et ses lecteurs, ne meurt jamais vraiment. D’où la supériorité de l’art sur la vie…

© 2015 - Les Éditions de Londres

LE CABOCHON D'ÉMERAUDE

— Vraiment, ma chère Olga, vous parlez de lui comme si vous le connaissiez !

La princesse Olga sourit au groupe de ses amies qui, ce soir-là, fumaient et devisaient autour d’elle, dans son salon, et elle leur dit :

— Mon Dieu, oui, je le connais.

— Vous connaissez Arsène Lupin ?

— Parfaitement !

— Est-ce possible ?

— J’ai connu tout au moins, précisa-t-elle, quelqu’un qui s’amusait à jouer au détective pour le compte de l’Agence Barnett. Or, il est démontré, aujourd’hui, que Jim Barnett et tous les collaborateurs de son agence de renseignements n’étaient autres qu’Arsène Lupin. Par conséquent…

— Et il vous a volée ?

— Au contraire ! Il m’a rendu service.

— Mais c’est toute une aventure !

— Nullement ! Ce fut une paisible conversation d’une demi-heure peut-être, sans coup de théâtre. Mais, durant ces trente minutes, j’ai eu l’impression que je me trouvais en face d’un personnage vraiment extraordinaire, ayant des façons d’agir à la fois très simples et déconcertantes.

On la pressa de questions. Elle n’y répondit pas tout de suite. C’était une femme qui parlait peu d’elle et dont la vie restait assez mystérieuse, même pour ses amies intimes. Avait-elle aimé depuis la mort de son mari ? Avait-elle cédé à la passion de quelques-uns de ces hommes qu’attiraient son ardente beauté, ses cheveux blonds et ses doux yeux bleus ? On le croyait, les méchantes langues la disaient même capable de fantaisies, où il y avait parfois plus de curiosité que d’amour. Mais, au fond, on ne savait rien. Aucun nom ne pouvait être cité.

Plus expansive, pourtant, ce jour-là, elle ne se fit pas trop prier et souleva un petit coin du voile.

— Après tout, dit-elle, pourquoi ne pas vous raconter cette entrevue ? Si je dois mêler à mon récit une autre personne, le rôle qu’y joua celle-ci n’a rien qui m’oblige au silence, j’en parlerai, d’ailleurs, très brièvement, puisque, après tout, c’est Arsène Lupin seul qui vous intéresse, n’est-ce pas ? Donc, à cette époque, et pour résumer l’aventure en une phrase dont vous comprendrez toute la signification, j’avais inspiré un amour violent et sincère – j’ai le droit d’employer ces mots – à un homme dont le nom de famille, tout au moins, vous est connu : Maxime Dervinol.

Les amies d’Olga sursautèrent.

— Maxime Dervinol ? Le fils du banquier ?

— Oui, dit-elle.

— Le fils du banquier faussaire, escroc, qui s’est pendu dans sa cellule de la Santé, le lendemain de son arrestation ?

— Oui, répéta la princesse Olga, très calmement.

Et, après avoir réfléchi un instant, elle reprit :

— Cliente du banquier Dervinol, j’étais une de ses principales victimes. Peu de temps après le suicide de son père, Maxime, que je connaissais, vint me voir. Riche par son propre travail, il se proposait de désintéresser tous les créanciers et me demandait seulement certains arrangements, qui l’obligèrent à revenir chez moi plusieurs fois. L’homme, je l’avoue, m’avait toujours été sympathique. Il me le fut davantage encore par l’extrême dignité de sa tenue. L’acte de probité qu’il accomplissait lui semblait évidemment tout naturel et, d’autre part, bien qu’il ne manifestât aucun embarras et que l’infamie de son père ne pût l’atteindre, on sentait en lui une souffrance infinie et une blessure secrète, que la moindre parole irritait.

« Je l’accueillis comme un ami, un ami qui ne tarda pas à devenir amoureux, sans que jamais il fît allusion à cet amour que je voyais grandir chaque jour. S’il n’y avait pas eu la déchéance de son père, il m’eût certainement demandée en mariage. Mais il n’osa pas plus qu’il n’osa se déclarer, ni m’interroger sur mes propres sentiments. Qu’aurais-je répondu, d’ailleurs ? Je les ignorais.

« Un matin, nous déjeunâmes au Bois. Après quoi, il me suivit ici, dans ce salon même. Il était soucieux. Je déposai mon sac à main sur le guéridon, ainsi que toutes mes bagues, et je me mis au piano, sur son désir, pour y jouer des airs russes qu’il affectionnait. Il écouta, debout derrière moi, avec une émotion que je devinais. Quand je me relevai, je vis qu’il était pâle et je pensai qu’il allait parler. Tout en l’observant, et troublée moi aussi, je le confesse, je repris mes bagues, les remis d’un geste distrait et, soudain, je m’interrompis et murmurai, beaucoup plus pour couper court à une situation gênante que pour exprimer mon étonnement à propos d’un fait banal :

« — Tiens, qu’est donc devenue mon émeraude ?

« Je m’aperçus qu’il tressaillait, et il s’écria :

« — Votre belle émeraude ?

« — Oui, ce cabochon que vous aimez tant, lui dis-je, tout simplement d’ailleurs, car, en vérité, aucune arrière-pensée ne se glissait en moi.

FIN DE L’EXTRAIT

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