I

Les causes de la Croisade

II.

[P]

L’hérésie s’est propagée dans tout le Languedoc. L’ordre des moines de Cîteaux est chargé de prêcher pour l’éradiquer. Un concile se tient à Carcassonne, mais n’a pas d’effet.

Seigneurs, cette chanson est faite de la même manière
que celle d’Antioche[Note_2], versifiée de même,
et se dit sur le même air, pour qui voudra la dire.

Vous avez tous entendu comment l’hérésie s’était propagée,
que le Seigneur Dieu la maudisse !
qu’elle avait en son pouvoir tout l’Albigeois,
le Carcasses[Note_3], le Lauraguais ; et tout le pays
de Béziers à Bordeaux, tant que va le chemin,
il y avait une multitude d’hommes de cette secte ;
et qui dirait plus ne mentirait pas.

Lorsque le saint Pape[Note_4] et le reste du clergé
virent cette grande folie se répandre partout
qu’ils la virent croître de jour en jour,
chaque ordre y envoya prêcher quelqu’un des siens ;
et l’ordre de Cîteaux[Note_5] en eut la direction,
il y envoya à diverses reprises certains de ses hommes.
L’évêque d’Osma[Note_6] tint un concile ;
avec les autres légats et ceux de Bulgarie[Note_7],
là-bas, à Carcassonne, où il y eut une grande assemblée.

Avec tous ses barons, s’y trouva le roi d’Aragon[Note_8],
lequel en sortit aussitôt qu’il eut reconnu l’hérésie
il fut bien convaincu du danger et aussitôt,
il envoya des lettres à Rome, en Lombardie.
Mais Dieu me bénisse ! je ne puis autrement dire :
Les hérétiques n’écoutent pas les sermons,
ils n’en font pas plus de cas que d’une pomme gâtée[Note_9].

Pendant cinq ans, ou je ne sais combien, ces gens égarés
se conduisirent ainsi, ne voulant pas se convertir.
En sont morts de grands personnages et une foule de gens,
et bien d’autres en périront, avant que la guerre ne finisse ;
il n’en peut être autrement.

III.

[P]

Arnaud Amaury, abbé de Cîteaux, va prêcher. Il fut ensuite nommé légat par le Pape pour régler le problème des hérétiques.

Il y avait, dans l’ordre de Cîteaux, une abbaye,
voisine de Lérida, et que l’on nommait le Poblet,
et dans cette abbaye un digne homme qui en était abbé.
Par son savoir, il monta de grade en grade.
Venant du Poblet à l’abbaye nommée Grandselve
il fut nommé abbé de cette abbaye.
Puis, en troisième lieu, tant Dieu l’aima
il fut fait abbé de Cîteaux[Note_10] !

Ce saint homme s’en alla avec les autres,
à travers la terre des hérétiques,
il leur prêchait de se convertir : mais plus il les en priait,
plus ils le raillaient et le tenaient pour sot.

Ce fut lui le légat auquel le Pape
donna tout pouvoir d’abattre partout
la gent mécréante.

IV.

[P]

Le frère Arnaud Amaury prêche sans succès.

Le pape envoie un légat Pierre de Castelnau pour convaincre les nobles de lutter contre l’hérésie et les contre les routiers. N’ayant pas de succès auprès de Raymond VI, comte de Toulouse, il l’excommunie.

Un écuyer du comte de Toulouse tue le légat Pierre de Castelnau pour venger le comte, le 14 janvier 1208.

Cet abbé de Cîteaux que Dieu aimait tant
et qui avait nom frère Arnaud Amaury,
tantôt à pied, tantôt à cheval, s’en va prêchant,
pour convaincre ces mécréants d’hérétiques.
Il s’en va les pressant vivement par ses paroles ;
mais ceux-ci n’en font aucun cas.

Cependant, Pierre de Castelnau est venu
vers Saint-Gilles en Provence, sur son mulet ;
il excommunie le comte de Toulouse[Note_11],
parce qu’il soutient les routiers qui vont pillant le pays.

Et voilà qu’un des écuyers du comte,
voulant se rendre agréable à son seigneur,
tue le légat par traîtrise, passant derrière lui.
Il l’a frappé dans le dos de son épieu tranchant
et s’est enfui, sur son cheval courant, à Beaucaire,
d’où il était, et où il avait ses parents.

Avant de rendre l’âme, levant les mains au ciel,
Pierre pria Dieu, en présence de tous,
de pardonner son péché à cet écuyer félon.
Il rendit l’âme après cela, au point du jour,
et l’âme s’en alla vers le Père tout-puissant.
On l’ensevelit à Saint-Gilles,
Il y eut beaucoup de cierges allumés
et les clercs chantèrent beaucoup de kyrie eleison.

V.

[P]

Suite à la mort de Pierre de Castelnau, le pape décide de détruire les hérétiques par une croisade.

Quand le Pape sut, quand lui fut dite la nouvelle,
que son légat avait été tué, sachez qu’elle lui fut pénible ;
il en eut une grande colère ; le menton dans les mains,
il se mit à prier Saint-Jacques, celui de Compostelle,
et saint Pierre, qui est enseveli dans la chapelle de Rome.
Quand il eut fait son oraison, il éteignit le cierge.

Alors le rejoignent frère Arnaud, l’abbé de Cîteaux,
maître Milon et les douze cardinaux,
tous en cercle, ils parlent en latin.
Là fut prise la résolution qui entraîna cette bourrasque,
où tant d’hommes devaient périr, les entrailles fendues,
où tant de belles demoiselles et tant de nobles dames
devaient se retrouver sans robe ni manteau.

De Montpellier jusqu’à Bordeaux,
le pape ordonne de détruire tout ce qui lui désobéira.
Ainsi le raconte maître Pons de Mela,
qu’avait envoyé le roi à qui appartient Tudèle[Note_12],
seigneur de Pampelune et du château d’Estella,
le meilleur chevalier qui monta jamais en selle.
Bien le sait l’émir qui commanda les Maures,
à cette bataille[Note_13] où furent les rois d’Aragon et de Castille,
qui tous deux frappèrent avec leur épée tranchante,
et dont j’espère faire un jour une bonne chanson nouvelle,
sur un beau parchemin.

VI.

[P]

Le pape envoie partout des messagers pour lever la croisade.

Cependant, l’abbé de Cîteaux, qui tenait la tête penchée,
s’est redressé contre un pilier de marbre,
et a dit au Pape : « Seigneur, par saint Martin !
nous faisons de cela trop de paroles, il faut agir ;
faites faire et écrire vos lettres en latin,
comme vous le souhaitez, et je me mets aussitôt en route
pour les porter en France et par tout le Limousin,
en Poitou, en Auvergne et jusqu’en Périgord.

« Proclamez les indulgences[Note_14] ici, dans les pays voisins
et jusqu’à Constantinople et dans tout le pays chrétien :
qu’on interdise à celui qui ne se croisera pas
de boire du vin, de manger sur une nappe,
et de se vêtir de tissu de chanvre ou de lin ;
et s’il meurt, qu’il soit enseveli comme un chien. »
Tous finissent par s’accorder sur ces paroles
et sur le conseil qui leur est donné.

VII.

[P]

L’abbé de Cîteaux est chargé de conduire la croisade.

Quand l’abbé de Cîteaux, l’honorable personnage,
qui fut ensuite élu archevêque de Narbonne,
le meilleur et le plus honnête qui ait porté la tonsure,
a donné ce conseil, nul ne profère un mot,
si ce n’est le Pape, qui, faisant triste visage, dit :
« Frère, va-t’en à Carcassonne
et à Toulouse la Grande, sur la Garonne ;
tu mèneras l’armée contre les félons.
Pardonne-leur leurs péchés, au nom de Jésus-Christ,
et prie-les, exhorte-les de ma part
à chasser les hérétiques loin de ceux qui ont la foi. »

Et voilà que l’abbé s’apprête à partir sur l’heure ;
il sort de la ville éperonnant son cheval.
Avec lui partent l’archevêque de Tarragone,
l’évêque de Lérida et celui de Barcelone,
celui de Maguelone, près de Montpellier,
et d’autres venant d’Espagne ; celui de Pampelune,
ceux de Burgos et de Terrasone ;
tous s’en vont avec l’abbé.

VIII.

[P]

Les Croisés s’équipent. On y trouve le duc de Bourgogne et le comte de Nevers. La croisade arrive devant Béziers.

L’abbé est monté à cheval aussitôt qu’il a pris congé.
Il s’en va à Cîteaux, où, selon la coutume,
tous les moines blancs, portant tonsure,
étaient réunis en chapitre général
pour la Sainte-Croix, qui se fête en été.

Avec tout le monastère, il chante la messe :
et la messe finie, il se met à prêcher.
Il dit, il rapporte les paroles du pape,
et montre à chacun sa bulle scellée,
comme lui et les autres l’ont çà et là partout montrée.

Aussi loin que s’étend la sainte chrétienté,
en France, et dans tous les royaumes,
les peuples se font Croisés, pour le pardon de leurs péchés,
et jamais, je pense, ne fut faite une si grande armée
que celle faite alors contre les hérétiques et les ensabbatés[Note_15].

Alors se croisèrent le duc de Bourgogne,
le comte de Nevers et beaucoup d’autres seigneurs[Note_16].
On tissa des croix de fil d’or et de soie ;
ils les mirent du côté droit, sur la poitrine.
Je ne tiens pas le compte de leurs armures,
de leurs montures, de leurs enseignes,
ni de leurs chevaux vêtus de fer.

Dieu ne fit jamais latiniste ou clerc si lettré,
qui de cela aurait pu raconter la moitié ni le tiers,
ou écrire les noms des prêtres et des abbés
assemblés dans l’armée qui va devant Béziers,
hors des murs, dans la campagne.

IX.

[P]

Le comte de Toulouse, Raymond VI, demande la levée de son excommunication à l’abbé Amaury. Celui-ci lui dit qu’il faut la demander au pape.

Le comte de Toulouse et le vicomte de Béziers se rencontrent. Le comte de Toulouse refuse de combattre contre les Croisés.

Quand le comte de Toulouse, le vicomte de Béziers
et les autres barons ont appris que la croisade est prêchée
et que les Français se croisent, ils ne s’en réjouissent pas.
Ils en sont bien attristés, comme dit la chanson.

À une assemblée, que tinrent alors les clercs à Aubenas,
vint le comte Raymond VI de Toulouse.
Là, il s’agenouilla et fit son acte de contrition
devant monseigneur l’abbé, le priant de l’absoudre[Note_17].
L’abbé répond qu’il n’en a pas le pouvoir,
il faut que le Pape et les cardinaux de Rome
lui accordent auparavant leur indulgence.
Je peux juste vous dire qu’ainsi se termina l’entretien,
et le comte repartit de là à grands coups d’éperons.

Il va voir le vicomte de Béziers, son neveu,
celui-ci le prie de ne pas guerroyer contre lui,
de ne pas lui chercher querelle,
et de se mettre avec lui à la défense du pays,
pour en éviter la destruction.
Le comte répond, non pas par oui, mais par non.[Note_18]
Le comte de Béziers est courroucé ;
il s’en va en Provence, vers Arles et vers Avignon.

Seigneurs, désormais s’animent les vers de la chanson,
qui, sans mensonge, a été commencée l’an 1210.
Ce fut au mois de mai, au temps où les buissons fleurissent ;
maître Guillaume la composa à Montauban, où il était ;
s’il avait eu le même bonheur et la même chance
que tant d’extravagants jongleurs et chétifs vagabonds,
il n’y aurait pas d’homme preux ou courtois qui manquât
de lui donner un vêtement ou un manteau de soie,
ainsi qu’un cheval, un bon palefroi breton,
pour le porter, allant doucement par la campagne.

Mais en voyant comme l’époque tourne à mal,
que les hommes puissants qui devraient être généreux,
ne savent plus donner la valeur d’un bouton,
je ne leur demanderais pas le plus petit charbon
qu’on pourrait tirer de la cendre amassée au foyer[Note_19].
Que le Seigneur les confonde, celui qui fit le ciel et l’air,
ainsi que sa sainte mère Marie !

X.

[P]

Le comte de Toulouse envoie ses amis à Rome pour demander l’absolution du pape.

Lorsque le comte de Toulouse,
voit que le vicomte son neveu lui est contraire,
et que tous ses ennemis lui cherchent guerre,
il comprend bien que les Croisés ne tarderont pas,
ils vont s’avancer contre lui, jusqu’en son profond refuge.

FIN DE L’EXTRAIT

Cansos de la
CROZADA
Contr els Ereges Dalbeges
(Provençal du Moyen Âge)

I.

[F]

El nom del payre e del filh e del sant esperit
Comensa la cansos que maestre W. fit
Us clerc qui en Navarra fo a Tudela noirit
Mot es savis e pros si cum lestoria dit
Per clergues e per laycs fo el forment grazit
Per comtes per vescomtes amatz e obezit
Per la destructio que el conosc e vic
En la geomencia quel ac lonc temps legit
E conoc quel pais er ars e destruzit
Per la fola crezensa quavian consentit
E que li ric borzes serian enpaubrezit
De lor grans manentias don eran eriquit
E que li cavalier sen irian faizit
Caitiu en autras terras cossiros e marrit
Albires e son cor car era ichernit
E de so que volia apert et amarvit
Que el fezes un libre que fos pel mon auzit
Quen fos sa savieza e son sen espandit
Adoncs fe aquest libre ez el meteish lescrit
Pos que fo comensatz entro que fo fenit
No mes en als sa entensa neish apenas dormit
Lo libres fo be faitz e de bos motz complit
E sil voletz entendre li gran e li petit
Podon i mot apendre de sen e de bel dit
Car aisel qui le fe nal ventre tot farsit
E sel que nol conoish ni nol a resentit
Ja no so cujaria.

II.

[F]

Senhors esta canso es faita daital guia
Com sela dAntiocha e ayssis versifia
E sa tot aital so qui diire lo sabia
Ben avetz tug auzit coment la eretgia
Era tant fort monteia cui domni Dieus maldia
Que trastot Albeges avia en sa bailia
Carcasses Lauragues tot la maior partia
De Bezers tro a Bordel si col cami tenia
A motz de lor crezens e de lor companhia
Si de plus o diches ja non mentria mia
Can lo rics Apostolis e la autra clercia
Viron multiplicar aicela gran folia
Plus fort que no soloit e que creich en tot dia
Tramezon prezicar cascus de sa bailia
E lordes de Cistel que nac la senhoria
I trames de sos homes tropa mota vegia
Si que lavesque dOsma ne tenc cort aramia
E li autre legat ab cels de Bolgaria
Lai dins a Carcassona on mota gent avia
Quel reis dArago y era ab sa gran baronia
E quen ichit adoncs can ac la causa auzia
Queretges estavan e aperceuhut o avia
El trames sos sagels a Roma en Lombardia
No sai que men diches si Dieus me benazia
No prezan lo prezic una poma porria
v. ans o no sai cant o tengon daital guia
Nos volon convertit cela gent esbaya
Quen son mant home mort e manta gent peria
E o seran encara tro la guerra er fenia
Car als estre non pot.

III.

[F]

En lorde de Cistel una abaya ot
Que fo pres de Leire quom Poblet apelot
E si i ac un bo home qui abas en estot
Per so car era savis de gra en gra pujot
Que duna autra abadia Gran Selva que nom sot
Que el estava lai et horn len amenot
Ad abat lelegiro e pueisch al autre mot
Fo abas de Cistels per so car Dieus lamot
Aicest santimes hom ab los autres alot
Per terra dels heretges e el les predicot
Ques volcen convertir e can plus les preiot
Eli plus lescarnian el tenian per sot
Per so si era legatz que lApostolis i ot
Donat tant de poder quels decaia per tot
La mescrezuda jant.

IV.

[F]

E labas de Cistels cui Dieus amava tant
Que ac nom fraire A, primier el cap denant
A pe et a caval anavan disputan
Contrals felos eretges qui eran mescrezant
Els van de lors paraulas mot forment encausant
Mas eli non an cura ni nols prezo niant
Peyre del Castelnou es vengutz ab aitant
Ves Rozer en Proensa ab so mulet amblant
Lo comte de Tolosa anet escumenjant
Car mante los roters quel pays van raubant
Ab tant us escudiers qui fo de mal talant
Per so quel agues grat del comte en avant
Laucis en traicio dereire en trespassant
El ferit per la esquina am so espeut trencant
E pueish si sen fugit am so caval corant
A Belcaire don era on foron sei parant
Pero ans que fenis sas mas al cel levant
El preguet domni Deu vezent tota la jant
Quels perdo sos pecatz a cel felo sarjant
Cant el fo cumenjatz en la ves lo gal cant
El fenic en apres al alba pareichant
Larma sen es aleia al Paire omnipotant
A Sant Gilil sosterran ab mot ciri ardant
Am mot kyrieleison que li clerc van cantant.

V.

[F]

Cant lApostolis saub cui hom ditz la novela
Que sos legatz fo mortz sapchatz que nolh fo bela
De mal talent que ac se tenc a la maichela
E reclamet sant Jacme aisel de Compostela
E sant Peyre de Roma qui jatz en la capela
Cant ac sa orazo faita escantit la candela
Aqui fo fraire A. li abas de Cistela
E maestre Milos qui en lati favela
Els xii. cardenals totz en una rodela
Lai fo lo cosselhs pres per ques moc la fiela
Dont motz homes so mortz fendutz per la buela
E manta rica dona mota bela piuzela
Que anc no lor remas ni mantels ni gonela
De lai de Monpeslier entro fis a Bordela
O manda tot destruire si vas lui se revela
Aisi com o retrais maestre Pons de Mela
Que lavia trames lo reis qui te Tudela
Senher de Pampalona del castel de la Estela
Lo mielher cavalers que anc montes en cela
E sap o Miramamelis que los Frances captela
Lo reis dArago i fo e lo reis de Castela
Tuit essems i feriro de lor trencant lamela
Que eu ne cug encar far bona canso novela
Tot en bel pargamin.

VI.

[F]

Ma labas de Cistel qui tenc lo cap enclin
Ses levatz en estans latz un pilar marbrin
E ditz a lApostoli Senher per sant Martin
Trop fam longa paraula daiso e lone train
Car faitz far vostras cartas e escriure en latin
Aitals cum vos plaira quieu me met en camin
E trametre en Fransa e per tot Lemozi
Per Peitau per Alvernba tro en Peiragorzin
E vos faitz lo perdo de sa tota termin
Per trastota la terra et per tot Costantin
E qui nos crozara ja non beva de vin
Ni mange en toalha de ser ni de matin
Ni ja no viesta drap de carbe ni de lin
Ni no sia rebost si mor plus cun mastin
En aquest mot sacordo tuit eau venc a la fin
AL cosselh que lor dona.

VII.

[F]

Cant labas de Cistel la ondrada persona
Qui poih fo eleish arsevesques de Narbona
Le mielher el plus pros quanc i portes corona
Lor ac dat lo coselh negus mot no i sona
Mas cant del Apostoli que mot fetz cara trona
Fraire so ditz lo Papa tu vai vas Carcassona
E a Tolosa la gran que se sobre Guarona
E conduiras las ostz sobre la gent felona
De part- de Jeshu Crist lor pecatz lor perdoria
E de las mias partz lor prega els sermona
Quencausan los eretges demest lautra gent bona
Ab tant el sen depart cant venc a la hora nona
E ichit de la vila e forment esperona
Ab lui va larsevesques qui es de Terragona
E aisel de Lerida e cel de Barsalona
E devas Montpeslier aicel de Magalona
E dotral Portz dEspanha aicel de Pampalona
E levesques de Burcs e cel de Terrasona
Cest van tuit am labat.

VIII.

[F]

Li abas monta tost cant an pres lo comjad
E venc sen a Cistel on eran ajostatz
Trastuit li monge blanc qui eran coronatz
A festa Santa Crotz qui es lai en estatz
Al general capitol si co es costumat
Vezen tot lor covent lor a messa cantat
E can fo defenida el lor ag prezicat
E lor ag la paraula e dig e devizat
Poichas a so sagel a cadau mostrat
Co an per tot lo mon sai e lai demonstrat
Aitan co te de lonc santa chrestiandat
Done se crozan en Fransa e per tot lo regnat
Can sabo que seran dels pecat pardonat
Ancs mais tan gran ajust no vis pos que fus nat
Co fan sobrels eretges e sobrels sabatatz
Car lo ducs de Bergonha sen es la doncs crozat
E lo coms de Nivers e manta poestatz
So que las crotz costero dorfres ni de cendatz
Que silh meiren el peihs deves lo destre latz
E no ni mete en plah coment foro armatz
Ni com foren garnitz ni co encavalgatz
Ni lor cavals vestitz de fer ni entresenhatz
Quanc Dieus no fetz gramazi ni clergue tant letrat
Que vos pogues retraire le ters ni la meitat
Ni ja saubes escriure los prestres nils abatz
Qua la ost de Bezers lai foro amassatz
De foras el sablo.

IX.

[F]

Quant lo coms de Tolosa e li autre baro
El vescoms de Bezers an auzit lo sermo
Que los Frances se crozan no cug lor sapcha bo
Ans ne son mot irat si cum ditz la canso
A un parlamen que feiro li clerc sela sazo
Lai sus a Albenas venc lo comte Ramon
Aqui sagenolhec e fes sa fliction
Denant mo senher labas elh prega quelh perdon
El ditz que no fara que non avia don
Si lo Papa de Roma els cardenals que i son
Nol fazian primier calque solucion
No sai que von diches nin fes longa razon
Lo coms sen retornet a coita desperon
Lo vescomte son bot merceia e somon
Que no guerrei ab lui ni nolh mova tenson
E que sian amdui a la defcnsion
Quilh nil pais no caian en mala destruction
El no li dig anc doc enan li dig de no
E son se mal partit el coms sen vai felo
E vai sen en Proenza az Arle e az Avinhon
Senhors oimais sesforzan li vers de la chanso
Que fon ben comenceia lan de la encarnatio
Del Senhor Jhesu Crist ses mot de mentizo
Cavia M. cc. E x. ans que venc en est mon
E si fo lan e mai can florichol boicho
Maestre W. la fist a Mont Alba on fo
Certas si el agues aventura o do
Co an mot fol jotglar e mot avol garso
Ja nolh dcgra falhir negus cortes prosom
Que nolh dones caval o palafre breton
Quel portes suavet amblan per lo sablon
O vestimen de seda pali o sisclato
Mas tant vezem quel setgles torna en cruzitio
Quelh ric home malvatz que devrian estre pro
Que no volon donar lo valent d’un boto
Nien no lo quier pas lo valen dun carbo
De la plus avol cendre que sia el fogairo
Domni Dieu los cofonda que fetz lo cel el tro
E santa Maria maire.

X.

[F]

Cant le coms de Tolosa de cui era Belcaire
Vit quel vescoms sos botz li era a contraire
E tug sei enesmieg li volon gucrra faire
Be sap que li Crozat ja no tarzaran gaire
Que non intron per lui en son prion repaire
Per larsevesque dAux qui era sos compaire
Trarnes lai en Gasconha car li era negaire
Quel ira al mesatge no sen voldra estraire
E labas de Condom us clergues debonaire
R. de Babastencs qui era bos donaire
Lo priors de lOspital us bos feziciaire
Aicestz iran a Roma c pois a lEmperaire
Parlaran am lo Papa car cilh son bon gramaire
De calsque acordamens.

FIN DE L’EXTRAIT

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