Les origines de Guignol ne semblent pas intéresser grand monde. C'est un tort. Si on fait un minimum de recherches, grâce à un nouvel outil révolutionnaire, l'Internet, lequel depuis le début des années 90 nous a donné des choses comme Google, Amazon, Wikipedia ou Les Editions de Londres, si on fait des recherches sur Guignol donc, on apprend les choses suivantes: Guignol serait une marionnette d'origine française, oui monsieur. Le théâtre de Guignol serait né au début du dix-neuvième siècle dans la région lyonnaise. Comme tous les théâtres de marionnettes, et comme le théâtre comique français en général, l'origine reste la Commedia dell arte italienne. Guignol s'inspire à ses débuts du répertoire classique, mais avant tout, Guignol c'est une remise en question de l'autorité. Et oui, Guignol, son gourdin, le gendarme...? C'est ce que les fondateurs des Editions de Londres ont retenu de leur enfance passée à étudier Guignol par une lecture structuraliste, puisque c'était la mode dans les jardins d'acclimatation pendant les années soixante-dix.

Alors, nous sommes ravis d'apprendre que Guignol fait enfin son retour et sort de son cadre hexagonal exigu. Ouvrons le journal à la page des spectacles. D'abord nous avons Guignol dans le sud-est de l'Europe. L'histoire est bien. Un premier ministre de là-bas reçoit plusieurs dizaines de milliards d'euros comme cadeau de remerciement pour les autres dizaines de millards d'euros que lui et sa clique ont joyeusement dérobé pendant les vingt dernières années. Pour remercier, ou peut-être parce que ce n'est pas assez, il revient sur son engagement et annonce un référendum afin de consulter le reste de son peuple sur le sujet. Voilà un dirigeant qui aime le peuple! Les marchés s'écroulent, mais alors mondialement. Il est fier de lui quand il débouche sa bouteille de vin resiné, nous n'en doutons pas. D'ailleurs nous regrettons qu'Aristophane (que nous publions abondamment) ne soit pas de retour. Il ferait une pièce sur le sujet, "La dette". Revenons à l'histoire. Cela devient intéressant puisque ce premier ministre change d'avis quelques jours plus tard, soit disant sous pression de vilains dirigeants d'Europe du Nord, et comme par miracle, les marchés remontent. Sur les marchés financiers, si vous achetez après la chute et que vous vendez quand cela remonte, cela s'appelle une culbute. Pourrions-nous imaginer que la chute et la remontée puissent avoir été planifiées par les annonces, permettant ainsi à des individus mal intentionnés de s'en mettre plein les poches? Nous ne le saurons jamais. Bien en a pris à ce premier ministre de démissionner.

Restons dans le sud-est de l'Europe, mais moins loin, ce qui confirme le caractère transnational de la nouvelle tournée de Guignol. Voilà un autre premier ministre, tout aussi croulant que l'autre, mais qui aura tout fait: traffics d'influences, pressions, orgies avec des mineures, à répétition, et en plus qui s'en vante, il aurait même truqué des matchs de football et la marelle. Et bien, rien, absolument rien, ne le fera partir. Rien sauf les mêmes acteurs des marchés financiers qui en ont franchement assez de perdre de l'argent, et qui obtiennent sa tête. Donc, justice de son pays= zero. Marchés financiers apatrides=1

Enfin, dans un pays beaucoup plus proche de nous, nous avons un ancien candidat à l'élection présidentielle, très sympathique de surcroit, surtout avec les femmes. Il a juste un petit probleme, il s'y intéresse un peu trop. Alors là, c'est le grand déballage. Les mêmes qui se sont tus pendant vingt ans et ont dissimulé ses frasques, ces mêmes ont maintenant laché les chiens, et puis des gros, la meute. Sur lui, on apprend absolument tout. Tout le monde parle, sort ses petits sms personnels. Cela devient franchement gênant pour sa réputation, et ses chances de faire partie du prochain gouvernement de ce pays pas très loin s'amenuisent. Nous en sommes désolés pour lui.

Des leçons? Les Editions de Londres ne sont pas des donneurs de leçons. Mais essayons de tirer des conclusions. D'abord, les gens s'ennuient tellement dans notre Europe flétrie et croulant sous les cotisations sociales que la Playstation et Big Brother ne suffisent plus. Il a fallu installer des trétaux devant les différents sièges de gouvernement. D'ailleurs correction: le gouvernement est sur des trétaux! Ensuite, les orgies, les pots-de-vin, les trafics d'influence (nous ne parlons évidemment pas des mêmes acteurs, chacun boxe dans sa catégorie...), tout cela importe peu. Mais il y a toujours un moment où ceux qui tirent les ficelles (on les connait) se lassent et alors la marionnette tombe.

Finalement, tout ceci est bien une illusion. Si c'étaient vraiment des gens réels que l'on a élus et qui exercent leur pouvoir corrompu au nom du peuple souverrain, ce serait évidemment triste, inquiétant, mais rassurez-vous, ce n'est qu'un spectacle pour enfants. Rien d'autre. En attendant, nous allons continuer à nous occuper de littérature. Guignol sort de notre catégorie. En effet, aucune pièce de Guignol n'a jamais été écrite: son inventeur, officiel, ne savait pas lire.