Beaucoup de choses séparent la France et l'Angleterre. L'une d'entre elles, c'est la continuité de ses titres de presse. Et oui, c'est étrange, mais c'est comme ça: The Times lancé en 1785, The Guardian en 1821, The Daily telegraph en 1855. Et cela vaut aussi pour les magazines; par exemple, The Economist, l'un des titres préférés de Laurent Joffrin, lancé en 1843. Le quatrième quotidien sérieux, The Independent, est évidemment l'exception qui confirme la règle puisqu'il fut créé en 1986.

Comparons à cela nos quotidiens préférés, ceux de la presse nationale (lisez Parisienne): Le Monde en 1944, Libération en 1973. Ici, c'est Le Figaro, créé en 1826, qui fait figure d'exception. De là à dire que c'est en France, le pays conservateur, que l'on ne conserve rien, il n'y a qu'un pas, mais c'est un pas que nous ne franchirons pas, parce que, s'il serait certainement un grand pas pour l'humanité (la vraie, pas le journal), ce pas nous emmenerait vers des frontières qui dépasseraient de loin les marges numériques de ce petit édito.

Le fait est que c'est surprenant. Aux Editions de Londres, nous croyons fermement que rien n'est pour toujours, nous regardons, pour reprendre le mot de Maupassant, les principes comme des "des idées réputées certaines et immuables, en ce monde où l'on est sûr de rien, puisque la lumière est une illusion, puisque le bruit est une illusion.". Et ce principe est remis en question, puisque David d'Equainville relance aujourd'hui, mardi 17 Avril, le plus ancien quotidien français, Le Journal de Paris.

Voilà un quotidien né sous l'Ancien Régime, en 1777, donc douze ans avant la Révolution, suivant à l'époque l'exemple du London Evening Post, c'est à dire qu'il couvre l'actualité littéraire, fait la revue des spectacles, et s'intéresse à la vie locale parisienne. Fondé par quatre partenaires, un pharmacien, un horloger, un entomologiste, un historien, le journal est bien un produit des Lumières et de la montée en force de la bourgeoisie urbaine qui précipitera la Révolution. Le Journal passe à travers les mailles d'une époque trouble, pleine de remous politiques, Révolution, Terreur, coup d'Etat de Napoléon I, Empire, départ pour l'île d'elbe, retour de l'île d'Elbe, Restauration, Louis XVIII, Charles X, Louis-Philippe, pour finalement s'éteindre un peu bêtement en 1840, en raison de problèmes d'argent. On ne va pas faire l'inventaire de ce qui s'est passé depuis 172 ans, ce serait une nouvelle fois trop long, mais pour résumer, trois guerres, beaucoup de Républiques, un nombre de coups d'Etat modéré, et surtout des fondamentaux de la société qui n'ont pas trop changé.

C'est donc avec un plaisir non dissimulé que nous saluons son retour dans les kiosques parisiens. Comme vous le savez, Les Editions de Londres aiment bien les livres, les auteurs ou les titres qui ressuscitent. Nous sommes fiers de compter parmi les partenaires de ce beau relancement. Et puis, Les Editions de Londres, partenaires du Journal de Paris, il nous fallait bien finir par une anecdote écossaise. D'ailleurs, vous trouverez beaucoup de choses dans ce premier numéro du Journal de Paris: interviews de François Hollande et de Nicolas Sarkozy sur l'Art, texte de Jarry sur le théâtre, articles sur Duchamp, sur l'histoire de la Biennale, carte du métro artistique, etc... mais cette petite anecdote vous ne la trouverez pas.

Si un jour vous allez à Edimbourg, que vous vous rendez au Parlement, vous verrez ceci: "En Juillet 1999, la session en cours du Parlement Ecossais temporairement suspendue en Mars 1707 a repris". Dans le même esprit, aujourd'hui nous disons: le 17Avril 2012, Le Journal de Paris est de retour en kiosque, suite à une interruption de 172 ans.