Les Editions de Londres étaient de passage à Paris, et sont de retour à Londres...

Paris, on aime, enfin pas tout le temps. Soudain, en descendant de l'eurostar qui nous ramène à Saint Pancras, c'est la réalisation de...tout ce que nous avions manqué. En fait, rien n'a changé depuis notre dernier passage, puisqu'en dépit de Twitter, Facebook, LinkedIn, des innombrables modes de communication électronique qui nous esclavagisent, il faut tout de même se voir, se taper sur l'épaule, converser, et puis c'était la période de Noël après tout. Alors, nous partîmes, pas vraiment cinq cents, car Les Editions de Londres ne comptent à ce jour pas tant de collaborateurs que cela, mais nous partîmes tout de même. Et là, la première impression, qui est aussi, la deuxième, mais la troisième, et puis l'antépénultième, mais aussi l'antépénultième de la dernière fois, et de la fois d'avant, et de la fois d'encore avant, c'est que...rien n'a changé.

Nous nous trompons. Quelle erreur! Quelle erreur grave. Ce qui a changé, c'est ce dont la France parle, discute, papote, s'interroge, car elle est transportée, la terre des Gaulois, par le courant qui nous vient, le vent du large, le phénomène interplanétaire qui nous laisse ainsi que nos contemporains, médusés, sidérés de joie, de bonheur, interloqués. On ne peut y échapper, et nous parlons d'expérience. Ce sont deux, trois, dix conversations par jour, au café, au repas de Noël, en famille, devant la bûche, sur la bûche, en tendant une oreille indiscrète au restaurant, en lisant L'Equipe chez le coiffeur. Ah, je vous vois venir, vous allez dire: mais il invente, il raconte des fariboles, des calembredaines, il fadaise...Ou alors, ce sont les vendanges tardives qui lui montent à la tête, à notre ami des Editions de Londres. Et bien, pas du tout, pas de vendanges tardives, pas de Champagne rosé, qui fit d'ailleurs la Une des News de TF1 lors de notre séjour parisien, non rien de tout cela.

Ce qui vient va changer la face de la France, va la remettre tout droit sur ses ergots, va lui redonner le courage de chanter vers les six heures du matin, à l'heure où ses collègues européens se réveillent de leur gueule de bois à l'euro, cet évènement nous redonne espoir. Bien sûr, il y a bien des choses qui polluent un peu les infos: des attentats suicide au Nigéria, sept morts aux Etats-Unis gentiment alignés autour du sapin de Noël comme des cadeaux mal déballés, et les meurtres en plein jour sur Oxford Street, et puis les attentats en Irak, et puis en Afghanistan, comme si même pour les bombes, tout se passait toujours ailleurs. Et puis heureusement, plus près de chez nous, il y a la crise de l'euro, les Grecs, les Italiens, les Espagnols, et les Portugais...Et la pire des récessions depuis 1934 qui s'annonce, et la campagne présidentielle, et les scandales de tous les côtés, et tout ça, tout ça...

Heureusement, mes contemporains font fi de cette pollution, et tous en chœur, de tous bords, de tous milieux, de toutes engeances, ils ne parlent que d'une chose: la venue de David Beckham à Paris.

C'était notre arme secrète, la preuve par sept (si c'est bien toujours le numéro qu'il porte sur son maillot) que nous étions bien les meilleurs et les plus beaux. Car cela va tout changer. Les prix de l'immmobilier vont remonter, toutes les agences immobilières parisiennes sont parait-il sur le pied de grue, de façon à le loger. Les maires des arrondissements concernés sont au téléphone tous les jours avec Delanoé et avec l'Elysée: quel sera donc l'arrondissement vainqueur? Où se logeront-ils en ces temps de crise? Qui l'emportera? Et puis leurs enfants, où les mettront-ils? Et voilà, après la remontée des prix de la pierre, c'est maintenant tout le système éducatif français qui redevient l'envie du monde. Les petits Beckham, qu'ils aillent ou non à la British School, c'est quand même Paris que leurs parents ont choisi, et puis David et Victoria vont apprendre le français, et ils vont dépenser, dans les beaux restaurants qui font l'envie du monde encore une fois, et dont certains pays jaloux niaient l'évidence, c'est-à-dire que nous sommes les rois de la bouffe. Et du coup, c'est terminé: plus besoin de TVA réduite sur la restauration pour relancer le secteur, plus de colère de Bruxelles, tout le monde est content, des gros revenus garantis pour ceux qui auront les Beckham pour clients. Et puis, le petit commerce, et les grands magasins, la crainte, la chute des revenus, les pauvres vendeuses mal payées, surstressées, fini tout ça. La relance, la relance, on vous dit! Et le marché automobile? Pareil, et les profits des pétroliers, pareil, parce qu'il faudra bien les nourrir les trois cent chevaux des Beckham, puis cela mettra un peu plus de police dans la rue, du coup, finis les embouteillages, finies les heures perdues à patienter à côté des couloirs de bus de Delanoé, tandis que les Velib débridés s'en donnent à cœur joie; toute cette rengaine, cette agressivité qui fut autrefois palpable, disparue! En revanche, ce sont les libraires qui font la gueule, et les éditeurs, et les éditeurs numériques dont nous faisons partie; en effet, si les Beckham écrivent, ils ne lisent pas beaucoup. Je ne leur ferais pas l'insulte de rappeler certains interviews célèbres où Victoria et David firent le brillant étalage de toute leur culture; mais je m'égare: tous ces livres, ces manuels sur la vie parisienne qu'ils vont nous sortir vont permettre à Gallimard, Stock, Grasset...de se refaire une nouvelle jeunesse, parce que "L'art français de la guerre", c'est bien gentil, mais cela ne vaut pas "Comment j'ai mis trois cacahuettes en Coupe de France contre Sablis-les-olonnes" par David Beckham.

Mais j'oublie l'essentiel. Finalement, il vient quand même pour quelque chose, Beckham...Comment il s'appelle ce club qui perd tout le temps déjà? Mais bon sang, mais c'est bien sûr: le PSG. Alors là, on n'en a pas parlé, parce que c'est assez évident. Un club de prestige, qui aime bien redistribuer les millions sans pour autant humilier ses adversaires, hexagonaux pour la plupart, en les battant, et puis un joueur de prestige, payé une fortune colossale pour taper deux trois balles contre FC Irkoutsk et Olimpico Psetoriakis en Europa League, ça vaut son pesant d'or. De toute façon, si cela devient trop cher pour le PSG, l'Elysée se porte garant. Parce que Beckham va évidemment tout changer: déjà qu'il était en fin de carrière il y a plus de cinq ans au Réal, qu'il a joué quelques matchs au LA Galaxy, que Capello ne veut plus de lui en équipe d'Angleterre, qui pourtant ne croûle pas sous le talent, c'est sûr que cette fois-ci, avec les succès passés du PSG à intégrer les joueurs étrangers (Ronaldinho...), sûr que Beckham va tout changer. PSG, le musée grévin du football?

Bon, tout de même, avant de partir, qu'il vienne me voir, David. Parce qu'il est vraiment temps qu'aux Editions de Londres on s'occupe de sa carrière.