C'est clair, ça couve, ça bouillonne, et un jour ça explose. Déjà trois ans de crise, et les choses ne s'arrangent guère. Apparemment, ce dimanche il y a aurait des manifestations contre l'injustice du système financier mondial dans quatre-vingts deux pays. Alors, aux Editions de Londres nous sommes là pour éditer, publier, voire vendre des livres, au mieux contribuer modestement à un nouvel élan littéraire. Mais nous ne sommes pas là pour faire de la politique. Pourtant, nous considérons aussi qu'il nous est difficile de publier, par exemple L'esprit de révolte et rester muets dans ces moments d'insoumission.

Alors, nous allons en surprendre certains. Ceux qui nous aiment pour nos publications de Kropotkine ou de Reclus ne vont pas comprendre. Ceux qui nous apprécient pour nos publications de Verne ou de Londres vont être surpris. En gros, des ennemis nous allons nous en faire à gauche comme à droite.

Aux Editions de Londres, nous sommes furieusement en faveur du libre-échange et de flux financiers libres et un minimum régulés, furieusement contre toute forme de protectionnisme, car nous croyons en des sociétés ouvertes, tournées vers l'avenir, et puis nous en avons assez des petites politiques nationales mesquines qui ne conduisent à rien si ce n'est à la réélection d'incapables schizophréniques et affamés de pouvoir.

Nous croyons aussi que nos soi-disant Gouvernements occidentaux raisonnables ne manquent pas d'air. Franchement, après s'être servis pendant plus de vingt ans, s'être enrichis aux détriments des classes moyennes, avoir bien tondu les pauvres, le coup de la recapitalisation des banques et des institutions financières payées par le contribuable, on ne nous l'avait pas encore faite, celle-là. Un tel scandale que nous serions assez tentés (sans pour autant prendre position dans l'immédiat) par une forme de désobéissance fiscale. Payer pour ceux qui ont voulu s'en mettre plein la panse, qui ont failli foutre le système économique mondial par terre afin de maximiser le bonus de fin d'année histoire de payer les vacances à Sainte Lucie ou aux Seychelles nous semble, comment dire, choquant. Donc, refuser de payer les impôts visant à recapitaliser le système tant que les banques et autres institutions financières n'auront pas fait l'effort idoine de leur côté nous semblerait une assez bonne idée. Donc bon système, mauvais acteurs ?

Pas vraiment. Si nous trouvons ceux qui se révoltent contre la chutzpah des banquiers et de leurs supporters politiques plutôt sympathiques, nous pensons aussi qu'ils sont mal informés. Et voici notre troisième point, ou troisième credo : nous croyons que l'intervention de l'Etat, héritée de la seconde guerre mondiale, nécessaire à l'époque pour relever des sociétés européennes détruites par la guerre, nous croyons donc que l'Etat est beaucoup trop présent dans la vie économique et sociale de nos sociétés. Nous pensons aussi que cette surenchère étatique, outre d'être liberticide, anticoncurrentielle, peu productive, est surtout déresponsabilisante, a construit des générations d'assistés que les gouvernants de nos régimes soi-disant démocratiques n'ont jamais voulu réveiller de leur apathie par peur de perdre la prochaine élection.

Alors, nous sommes tout pour refondre le système financier mondial, tout pour limiter le pouvoir des grandes entreprises, tout pour encourager les banques à prêter aux petits, et surtout à fond pour rembourser la dette, le plus vite possible, mais pas en imposant encore plus les contribuables, ou en détruisant la qualité des services publics, mais par la baisse de l'intervention de l'Etat, l'émergence de régulateurs indépendants (de même que l'on a des tribunaux indépendants), pour la contribution des responsables, et la re-responsabilisation économique des citoyens, qui eux aussi sont coupables, d'avoir rêvé trop fort, d'avoir imaginé que ceux à qui ils donnaient les clés du pouvoir ne se barreraient pas avec les meubles, les tapis persans et les tableaux de maître. Donc, oui à une refonte, oui à la séparation des pouvoirs, économiques et politiques, oui au reflux de l'Etat, oui à l'équilibre budgétaire, au remboursement de la dette par ceux qui se sont gobergés pendant trois décennies. Oui enfin à une vraie redéfinition des tâches entre le politique et l'économique. Nous croyons à une vraie rupture. Une rupture avec le système socio-économique hérité de la guerre, une rupture avec la société héritée de la bourgeoisie du Dix Neuvième siècle. Cette rupture arrive. Le fonctionnement actuel du système nous conduit à la ruine économique et au magma moral. Nous sommes prêts à en parler. Alors, nous allons vous mettre sur la voie : la foi en un système centralisateur juste et éclairé est la plus grande foutaise du siècle, la cause des guerres, des xénophobies, de la ruine économique, et de la paupérisation des sociétés. Aucun système ne concentre les pouvoirs sans être tenté de les utiliser à leurs profits, et sans tout faire pour les préserver et les transmettre à leur clique. Ainsi, tout est lié, grandes entreprises arrogantes, politiques cooptés, dette remboursée par ceux qui ne profitèrent pas des excès iniques, népotisme, appauvrissement, néo-servage constitué par un chômage voulu, accaparation de la richesse individuelle au nom de la richesse collective dont les leviers sont aux mains d'élites non élues et se reproduisant entre elles. Oui, il est grand temps de changer.